Rouges jardinspar Guy Grandjean
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La peur n’éloigne pas le danger

Philosophie
 

Un mouton prêt à fuir, les pattes arrières écartées. L’autre ne semble pas percevoir de danger. Quoi de commun entre un mouton qui se carapate de peur et nous ?

C’est tout un système hormonal qui se met en branle dans les deux cas : le coeur se met à battre la chamade, il passe en une seconde à plus de 200 pulsations minute. L’adrénaline imbibe instantanément tout le corps. Les pupilles se dilatent en mydriase. C’est un minimum.

La peur intense, l’effroi peut faire uriner ; mon grand père, qui a fait les tranchées en 1914 m’a raconté l’effet du sifflement trop proche des obus. La moitié des soldats de la dernière guerre ont mouillé leur pantalon, à un moment où à un autre. Un quart se sont retrouvés souillés d’excréments.

La défécation réflexe vide le système digestif : on est alors plus léger pour agir, on améliore ses performances motrices.

Pour les oiseaux, il est particulièrement important de se délester rapidement en cas d’envol précipité. Mais cette réaction « physiologique », quand elle est trop intense peut nuire à l’appréciation des dangers. Elle empêche ce qu’on peut appeler pompeusement « l’intégration cognitive », c’est à dire le pouvoir de recruter toutes ses connaissances utiles pour se sortir d’un guêpier.

Une réaction excessive peut même brouiller la vue. Et pire (ou mieux, c’est selon), le choc vagal vous laisse à la merci de l’ennemi.

La grande différence entre le mouton et nous, c’est que bien sur cet animal est un animal par nature prédaté, même si les mâles tentent parfois « de se battre ». L’adrénaline permet aux hommes de mobiliser toutes sortes de réponses à l’agression, puisque nous pouvons être prédatés comme le mouton, ou prédateurs, comme le tigre…

Dans le monde médical, ce n’est plus la peur de l’obus, mais l’appréhension devant des gestes plus ou moins intrusifs qui est à l’origine des malaises vagaux. La représentation de ces gestes est propre à chacun, elle est plus importante que la réalité objective de l’intrusion…  Phobies mises à part, les personnes peu éduquées présentent parfois des réactions excessives à des petits gestes tout à fait anodins dont ils n’arrivent pas à intégrer la réelle signification. L’apprentissage du schéma corporel permet d’ajuster la peur à ces actes plus ou moins intrusifs.