Rouges jardinspar Guy Grandjean
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En 1986, deux Tchernobyl pour cet homme là

Médecine

 

 

Cette personne âgée se présente au laboratoire en montrant des bras peu communs pour la prise de sang. L’épiderme est cicatriciel sur de larges rectangles blancs bien nets.Cette géométrie placardée sur notre peau si mouvante surprend.En 1986, il travaillait dans un laboratoire de chimie industrielle. En ce jour sombre pour lui, un produit chimique s’est accidentellement enflammé, et il s’est rapidement transformé en torche vivante.Car malheureusement, il portait une blouse de travail en polyester, facilement inflammable. Un tablier dessus aussi, mais celui-ci en coton, ce qui l’a sauvé.
 

 

 


Gare de Lens

Gare de Lens

Brûlé à 80 %, les médecins ont prévenu sa femme qu’il était perdu.

Ce monsieur parle de volonté quand il subit toutes ces épreuves de greffe de peau, ses souffrances abominables, puis de longues séances de rééducation. De cette nouvelle main gauche, sans phalanges, juste les phalangettes. Il a ensuite intenté un procès à l’entreprise : en 1986, il était d’usage depuis longtemps de porter des blouses en coton, peu inflammables, dans de tels laboratoires.Le gestionnaire avait préféré les blouses en polyester.laboratoires. Là encore, cette lutte s’est avérée titanesque, et sa volonté a été mise à rude épreuve. Pour faire admettre cette notion de faute professionnelle, il lui aura fallu dix ans de procédures pour finir par gagner son procès ! Pour faire reconnaître… l’évidence ! Le responsable aurait-t-il plaidé

 

« les droits imprescriptibles de l’ignorance » ?

 

 


 Charleroi.

 Charleroi.

Ces dix ans lui ont paru bien longs, mais ce n’est rien à côté des rebondissements de l’affaire de l’ amiante. 1898, un inspecteur de travail anglais signale la mort prématurée de travailleurs de l’amiante. 1906, un inspecteur français publie le même type d’observation. Etrangement, un long silence s’installe, à tous niveaux, pendant des dizaines d’années. On peut même affirmer que la communauté dirigeante industrialise le déni, le mensonge. Médecins, hommes de loi, inspecteurs, cadres, patrons, toutes ces professions participent à cette gigantesque omerta. Certaines variétés d’amiante sont assassines même avec de courtes durées d’exposition. 1946, les Etats-Unis établissent un taux de fibres par litre d’air maximum tolérable. 1976, la France emboite le pas. (un long pas !)

 

1996, l’usage de l’amiante est interdit en France, enfin.

La vénus au singe Roubaix

Un ministre prononce même en 1996 la phrase incroyable :                                                                                                                                      « c’est une psychose collective »

Comment un scientifique* multi médaillé peut-il dire une telle ânerie ? Aussi cruelle ? Mais il est loin d’être le seul. De très hauts personnages, comme des responsables de santé publique, ont pris des positions extravagantes, sans qu’on puisse dire qu’ils défendaient des intérêts financiers. Leurs torts, indubitables, c’est finalement d’avoir pris connaissance de « dossiers », de chiffres obscurs plus que de réalités médicales et humaines. Mais en étaient-ils capables ?      

                                                                                                                                                                                       

Même tabou pour la silicose du mineur de charbon.
Même tabou pour la silicose du mineur de charbon.

Dans les rapports, les « effets collatéraux sur la santé des travailleurs »  étaient toujours minimisés, probablement parce que ces travailleurs n’étaient pas des gens comme nous.

On pourrait appeler ces temps anciens le règne du »mépris ».

Dans les dangereux chantiers de flocage d’amiante, »on ne voyait jamais de responsable, de médecin, ni d’inspecteur. »

Ces dernières années, une pluie de lois et de règlements s’est abattue sur les employeurs pour encadrer les conditions de travail des salariés en France, et en Europe. 

  Qui s’en plaindrait ?

* Ce scientifique de haut vol avait aussi nié  l’importance « du changement climatique », jusqu’au jour où il eut la révélation : zut, zut de zut, l’eau des océans s’acidifie rapidement, et ça, c’est vrai, il est difficile de trouver d’autres explications que l’augmentation de la teneur en CO2 de l’air, qui se dissout facilement dans l’eau.

Je m’ai gouré !