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Se tirer une balle dans le microbiote

Bactériologie


Dans le langage médical américain, fleuri quoique paranoïaque, le terme « magic bullet » est souvent employé. On parlerait plutôt en France de panacée , le peuple médical de chez nous aurait du mal à prononcer un terme aussi guerrier que « la balle magique ». Pourtant, les antibiotiques apparus après la dernière guerre sont des médicaments magiques, à tout le moins, à défaut d’être des balles.

Le Streptocoque du groupe B –Streptococcus agalactiae- est à l’origine d’ infections néonatales, concernant environ une naissance sur 2 000. Il a pour réservoir principal le tube digestif . Avec des techniques fines, on peut le mettre en évidence chez 10 à 30 % des femmes en bonne santé, qui n’en souffrent nullement. Lors de l’accouchement, et les quelques semaines suivantes, la maman peut transmettre, bien malgré elle, la bactérie pathogène à son nouveau-né. La moitié des bébés en deviennent porteurs à leur tour, et quelquefois malheureusement, il peut en souffrir, gravement, et ceci qui concerne 2 % de ces enfants colonisés. Il a été montré par ailleurs que l’allaitement maternel protégeait de cette colonisation.

   Dans les années 1960, aux États-Unis et en Europe, une augmentation des infections néonatales dues au streptocoque B a été rapportée dans les registres des maternités. Dans les années 1990 ont été mises en place des politiques de dépistage de ce germe chez les femmes enceintes. Ces « porteuses saines » prennent donc des antibiotiques au moment de l’accouchement, ce qui divise par 10 le risque d’infection.

Philippe Glaser et co ont tenté de retracer l’histoire évolutive des streptocoques B d’origine humaine. Pour ce faire, ils ont séquencé et comparé le génome de 230 souches datant des années 1950 à aujourd’hui.

La population des streptocoques B colonisant et infectant l’homme est constituée d’un petit nombre de clones présentant une très faible diversité génétique. Ces clones ont donc une origine commune récente, car ce caractère « d’uniformité » est observé pour toute émergence. Or ces souches sont souvent résistantes à la Tétracycline. En acquérant cette résistance au niveau génétique, ces souches ont donc changé d’autres aspects de leur biologie.


Bactéries sur boite de Pétri

Bactéries sur boite de Pétri

La Tétracycline, ce merveilleux antibiotique, à spectre large, a été utilisé massivement, en médecine humaine et animale à partir des années 1950 ;

Son usage, larga manu, a provoqué le remplacement global d’une population sensible de streptocoques B,  par quelques clones résistants qui se sont disséminés sur les cinq continents. Ces clones se sont révélés hypervirulents, en particulier le clone CC17, très représenté, et ils ont été sélectionnés également pour leurs propriétés de dissémination et de colonisation. Ils sont actuellement responsables des infections observées à partir des années 1960.

Ces résultats démontrent l’impact délétère à long terme de l’utilisation massive et non contrôlée des antibiotiques. En effet, la Tétracycline, qui n’a jamais été utilisée pour le traitement des infections à streptocoque B, et n’est plus depuis 20 ans que rarement prescrite chez l’homme,  a eu un impact irréversible sur cette population bactérienne qui reste une des premières causes d’infections néonatales.

Curieusement, si le nombre d’infections néonatales diminue en France, grâce à ce dépistage bien organisé, le nombre d’infections tardives à Streptocoques B augmente, lui, régulièrement, pour des raisons inconnues à ce jour.


Le paon du jour. 

Le paon du jour.