Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Comment améliorer le taux de taupes dans nos terres ?

Ecologie

L’avenir de notre brave ver de terre, le lombric, s’assombrit. Par contre-coup, celui de la taupe aussi car c’est l’essentiel de sa nourriture. Mais comme la taupe est aveugle, elle ne le ressent pas. Au secours !

Paume gauche de taupe.

Qui aime le ver de terre ? Le pêcheur à la ligne, c’est sûr. Mais aussi la taupe, en premier, puis le merle, le renard, le blaireau, la mouette… Beaucoup d’amateurs. Il faut dire que la ressource abonde, à priori. Dans une terre riche, bien cultivée, enrichie en fumier, on peut en peser plus de deux tonnes à l’hectare.

Ce qui fait de lui l’animal le plus représenté sur terre ! Probablement en terme de biomasse le tout premier ! Darwin l’avait pressenti.

Qui aime les taupes ? Pas les cultivateurs, ni les jardiniers. Pas plus les golfeurs. Une mal aimée ! Une détestée même.  Et pourtant !

La taupe vit de l’abondance de vers de terre depuis longtemps. Elle a donc choisi cette vie sous terre obscure, en a perdu la vue, mais a gagné une rare tranquillité : le repas assuré, et le repos possible : le chien doit fouir rapido, pour goûter de la taupe… qui, elle, fuit très vite, avec ses pattes pelles très puissantes.

Quand elle est repérée par les prédateurs aériens, ce qui n’est pas si fréquent, ils ont intérêt à être patients pour l’affût ! Malgré le manque d’oxygène, qu’elle compense par de très gros poumons, une abondante hémoglobine un peu trafiquée, entre autres adaptations, elle est infatigable.

Se déplacer dans ces boyaux obscurs lui demande pourtant une énergie considérable. Elle ne peut accumuler de réserves car, boudinée, elle se coincerait dans ses galeries calibrées !

Mais depuis peu, disons, quelques dizaines d’années, deux menaces pèsent sur la tête (?) du ver de terre, donc sur la taupe.

D’abord, depuis les années 1960, les averses de certains pesticides de l’agriculture intensive ont décimé le ver de terre le plus représenté, le lombric. Dans les terres de monoculture industrielle, il est presque absent, souvent pas plus d’une centaine de kg à l’hectare. De nombreux agriculteurs commencent à prendre conscience de cette catastrophe écologique invisible, un appauvrissement des sols…, qui leur échappent, par ruissellement…

Quand on remonte la vallée du Rhin, on est surpris par sa beauté, par la clarté de l’eau quand on arrive en Suisse

Il y a un rapport direct entre la clarté de l’eau des rivières et les vers de terre. Une terre  riche en lombrics est une terre très trouée. Une averse s’y absorbe comme dans une éponge. L’eau de pluie est bien moins  résorbée par les terres de monoculture intensive, elle ruisselle sur un sol vite bétonné, et se retrouve chargée de sédiments dans les rivières, qu’elle salit.

C’est ce qu’on appelle l’érosion.

Si on la laisse faire, le métier d’archéologue s’en trouve certes facilité, car les vieux os finissent par s’exposer au plein jour, mais le sol a une activité biologique qui diminue, inexorablement. Compensée partiellement par l’augmentation d’engrais chimiques qui l’acidifient…

Comme le ver de terre, le cloporte fuit la lumière

Voici aussi qu’un autre ennemi se profile à l’horizon : un cousin à lui, un ver donc, mais aussi plat que lui est rond. La guerre des vers a commencé en Europe. Ce ver plat l’attaque, direct, et s’en nourrit. Il vient de Nouvelle Zélande, qu’il a quitté vers les années 1960, il s’est déjà installé en Irlande, en Bretagne, en Corse, en Angleterre… Sur ces îles, il est implanté à tel point que des pêcheurs dépités ont signalé aux autorités la disparition de notre brave lombric. Pour ce ver venu de loin, l’Europe, c’est du gâteau. La vie en Nouvelle Zélande n’est pas si facile. Les lombrics de là-bas, plus prompts, réussissent à fuir bien souvent. Une espèce d’équilibre s’est établi avec le temps, et cette île lointaine ne manque pas de ces précieux laboureurs de l’obscur. Pour résister à ce nouvel envahisseur, il ne reste plus qu’à importer sa proie qui lui résiste… ou notre lombric à apprendre à sprinter… Encore un avatar de l’accélération inouïe des échanges, des brassages.

Ver de terre en extension (Extension ! Contraction ! Extension !…)

Un de ses cousins, au ver, rond comme lui mais marin celui ci s’appelle l’Arénicole : on lui doit un progrès majeur en médecine. Ce grand ver très moche et mou, vit sur les bords de mer. Pour survivre à marée basse, il possède une hémoglobine bien plus efficace que la notre, et elle n’est pas emprisonnée dans les globules rouges. (L’hémoglobine amène l’oxygène à nos différents tissus)

Un biologiste, Franck Zal, a eu l’idée de s’en servir pour améliorer la survie des greffons issus des dons d’organes. Les greffes d’organe en sont ainsi facilitées.

On serait bien inspiré de garder nos vers de terre, donc nos taupes, car leur biologie est tout à fait adaptée à la vie souterraine. Or, avec le réchauffement, cette vie souterraine, nous allons peut être y gouter, ne serait ce que quelques mois dans l’année ! Autant s’y préparer ! Profiter de leur longue expérience biologique ! La taupe vit dans une atmosphère enrichie en CO2, pour ne citer qu’un exemple…

Taupe morte sur le dos, sans doute croquée par un chat doué pour l’affût