Rouges jardinspar Guy Grandjean
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De la beauté cachée des laids à l’étoile en péril

Mystique
 

Le marabout est un oiseau africain d’une grande laideur.  Son cou rosâtre pendouille, on ne sait pourquoi, peut-être en original thermorégulateur ; sa tête est comme dessinée de déchets, dont il se nourrit le plus souvent.

Ses plumes de tête sont miteuses, et même propre, on le perçoit sali de petites déjections diverses, noirâtres. Filiation fascinante entre cet oiseau et son environnement alimentaire. Car le marabout se délecte de ce que les autres dédaignent, il fait ventre de tout, en particulier des charognes, des rebuts, après le passage du vautour.

Comme le goéland chez nous, il prospère de la saleté humaine. En Afrique, ce rôle bienfaisant d’éboueur commence à être reconnu, et cet oiseau moche comme tout commence à jouir d’un début de considération.

Quetzal resplendissant

Le quetzal

Le quetzal est aussi somptueux que le marabout est laid. Il vit dans les forêts d’Amérique centrale, où il est devenu rare. Il se nourrit essentiellement d’avocats sauvages ; le mâle se pare de grandes plumes vertes pour faire sa cour, c’est un superbe moment. Du côté du chant, ce n’est pas brillant du tout : pensez aux grincements d’une porte métallique mal huilée.

 Cette photo exceptionnelle suggère que ses couleurs éclatantes dépendent étroitement de son biotope, en particulier de sa nourriture quotidienne.

Et les femelles choisissent les mâles les plus beaux, évitent les porteurs de plumes ternes, signes de mauvaise santé aviaire. On a longtemps dit qu’il ne supportait pas la captivité, que le manque de liberté le tuait net. Les hommes pressés de l’enfermer ignoraient surtout quoi lui offrir pour lui éviter la dépression.

Le marabout ne connaît pas de prédateur, à part l’homme.

Sa laideur est une arme…

La vie est un incroyable et complexe continuum.

Nous les hommes, nous nous nourrissons aussi de molécules qui nous habitent et nous façonnent. Notre génome contient des morceaux du Néandertalien disparu, des pièces de rétrovirus divers, et sans doute bien des informations encore mystérieuses issues de notre environnement biologique passé. Certaines de ces molécules que nous ingérons nous sont indispensables, même en petite quantité. Passez-vous de Vitamine C en ne mangeant que des nouilles par exemple, et les ennuis se santé ne tarderont pas à se manifester. Passez-vous de Vitamine B12, par des régimes restrictifs végan ou végétalien, d’autres types de souffrance vous attendent.

Dès la naissance, dès la première succion, nous ingérons des virus et des bactéries avoisinantes, quitte à ce qu’ils nous colonisent, le plus souvent pour notre plus grand bien.

Culturellement, c’est un peu pareil ; nous nous contaminons les uns les autres. Exemple récent : les anglais, pourtant profondément conscients, voire fiers, de leurs originalités d’insulaires adoptent des comportements « étrangers » : la reine d’Angleterre a fini par gracier Alan Tuning en 2013.

Alan Tuning, un génie mathématicien, avait réussi à casser les cryptogrammes Nazis. Petit problème pour  » l’environnement humain  » de l’époque, il était homosexuel. Sans doute pour le remercier d’avoir joué un rôle important dans la victoire sur la barbarie de l’époque, la bourgeoisie anglaise du moment lui imposa le choix entre la castration chimique ou la prison.

Il a préféré le cyanure, en homme libre.

C’était en 1952, c’était hier, cette nation où les punitions corporelles à l’école ont été abolies fort tardivement, un autre exemple de changement comportemental. La radio, la télévision, internet, tous ces  nouveaux médias peuvent accélérer ce brassage. Les tyrans et les tyranneaux de tout poil le savent bien, et essayent toujours de les interdire, ou du moins de les contrôler étroitement.

 

 

POST SCRIPTUM

Le quetzal n’est pas un oiseau en voie d’extinction, c’est son biotope qui disparaît. « Sauver une espèce » n’a pas grand sens. C’est sauver un biotope qui est un enjeu, quand la pression démographique le rend encore possible.