Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Tortues sales, salmonelles, elles nous tuent à tort

Bactériologie

Voilà qui est bien curieux; la grande majorité des tortues qui vivent en captivité sont porteuses de salmonelles, porteuses saines. Ces bactéries à la mauvaise réputation ne leur font ni chaud, ni froid… Ce qui est un comble pour un reptile à la température non régulée !

Ces animaux antédiluviens tolèrent parfaitement ces bactéries, quand elles sont bien nourries, dans un environnement favorable. Et la plupart les excrètent donc, dans leurs fèces, de manière inconstante.

Mais que le stress arrive, c’est à dire une eau trop sale, ou des aliments impropres, une surpopulation, un transport, et voici nos animaux tellement farcis de salmonelles qu’elles peuvent alors les rendre malades…

Au cours de cette maladie là, on peut donc clairement affirmer que c’est une immunité défaillante qui « lâche la bride » à la bactérie opportuniste… qui devient alors franchement inopportune pour nos braves tortues.

Cette même immunité  -interne-  est donc très dépendante  des conditions de vie  -externes-. La promiscuité imposée, c’est à dire l’élevage, est bien sur le premier des facteurs immunosupressifs, quand il ne respecte pas le   » bien-être animal. » On comprend bien que pour un animal qui s’est installé là sur notre planète depuis quelques centaines de millions d’années, la vie en troupeau, en vase clos, imposée depuis les années 1960 est d’une totale nouveauté !

La légende affirme que Pasteur à la fin de sa vie aurait dit que « le terrain était l’essentiel, le microbe peu de chose ». Il ignorait tout à ce moment des formidables connaissances nées de la notion d’anticorps, la science de  l’immunité, ce qu’on appelait « le terrain », au XIX ième siècle.

Mais  le pragmatisme emporte tout sur son chemin, tel un maëlstrom bienfaisant, les théories insuffisantes, les idées pré-conçues… poussé qu’il est par l’incoercible amour de la vie…

Voici un récit où, en France, il y a quelques années, les réanimateurs furent impuissants devant un bébé de 6 semaines retrouvé sans connaissance. Les parents n’avaient rien remarqué, si ce n’est cette fièvre élevée, plus de 40°C. La mort subite du nouveau né  reste souvent une énigme. Mais des examens furent demandés, le désir de comprendre des médecins était partagé par les parents effondrés.

Les recherches virales furent toutes négatives. Le sang était stérile, ainsi que les urines. Les coprocultures et les prélèvements d’origine pulmonaire ne révélèrent aucun pathogène. Seul l’examen microscopique du myocarde montrait un infiltrat par des lymphocytes CD3 et un oedème, une congestion vasculaire.

Mais les cultures directes de biopsies du myocarde restaient stériles. Quelques jours plus tard, un bouillon d’enrichissement incubé à partir de broyat de coeur et de cerveau donnait la solution: Salmonella virchow.

Cette bactérie enteropathogène fut recherchée sans succès chez les différents membres de la famille. Quelques semaines plus tard, une visite dans l’appartement fut suivie de l’analyse de l’eau de l’aquarium où vivaient des tortues.

Salmonella virchow y fut retrouvée en grande quantité. La main de l’homme avait donc malencontreusement porté cette sale engeance du bac à la bouche du bébé… Il y a quelques années, « des américains », « très pratiques », essayèrent d’élever ces tortues très populaires « libres de salmonelles », on imagine la débauche d’antibiotiques..

Mais ce fut un échec cuisant. La tortue a certainement besoin quelquepart de sa salmonelle, mais bien sûr en petit nombre… Comme nous de notre E coli.

Devant l’échec, il fut décidé de réglementer le commerce de ces reptiles. Ils firent interdire la vente des petites tortues (sucées par la bouche de nos bambins…). Ils estimèrent avoir évité ainsi 100 000 cas de salmonelloses par an!

Pour ma part, ces sympathiques reptiles, je les laisse loin de mes mains, loin des yeux, mais près du coeur: ils sont le symbole pour moi d’une vie qui a résisté aux météorites, aux tsunamis, tremblements de terre, aux vents solaires, à l’hypercapnie, aux refroidissements climatiques et aux sursauts gamma!

Mais la tortue nous résistera-t-elle ? Rien n’est moins sur.

Le lièvre qui la concurrence est ce coup ci non seulement toujours pressé, mais aussi malheureusement aveugle, aveugle à la dégradation extrêmement rapide de son gîte.