Rouges jardinspar Guy Grandjean
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La peste blanche vaincue par les gueules noires.

Médecine

Victime ou ancêtre

La disparition dans nos pays de la tuberculose, la plus importante maladie infectieuse qu’ait connu l’humanité ne doit rien au hasard. Elle doit au moins autant à la politique, qu’à la médecine.

Les pays développés légifèrent en ce moment sur « le bien-être animal ». Le « bien-être humain » est bien-sûr un sujet bien moins simple, mais qui pourrait-être abordé d’un simple point de vue écologique. Globalement, ce bien-être possible provient de l’arrêt des conflits, de la fin du régime de pénurie, et de la disparition de maladies graves qui décimaient la population dès le plus jeune âge.

Et la disparition  de la plupart des maladies infectieuses dans nos pays tient autant à l’amélioration de notre écosystème qu’aux énormes progrès de la médecine.

Dans l’histoire du monde animal, Homo sapiens est l’espèce qui a dominé toutes les autres ; c’est également celle qui s’est adaptée à tous les biotopes, c’est un cas unique. En super prédateur, invaincu, il s’est heurté, et se heurte encore à un problème de taille, la menaçante surpopulation, c’est une menace sui generis.

Dans l’histoire, les épidémies et les guerres ont pu la freiner. Mais Homo est super malin, il maîtrise les épidémies, il les a d’ailleurs maitrisées souvent avant l’arrivée fracassante de notre médecine moderne.  La plus importante de ces épidémies a été longtemps une épidémie « silencieuse », insaisissable, incompréhensible. La tuberculose a disparu de nos pays, et les médecins ont pu montrer la baisse continue des cas depuis que des registres existent.


Tuberculose, une baisse continue

Tuberculose, une baisse continue

L’amélioration régulière des conditions de vie s’avère importante avant la mise en place d’une politique sanitaire au XIX ième siècle : c’est un peu plus tard que les sanatoriums ont été ouverts dans toute l’Europe, à partir des années 1900. 

On a retrouvé des traces de tuberculose fort anciennes. Elle s’est manifestée quand les hommes se sont sédentarisés, qu’ils se sont organisés en villages. On en a retrouvé des traces dans l’ Egypte ancienne, la médecine grecque la connait, et admet d’ailleurs toute la difficulté à soigner ces malades qui ne peuvent cesser de tousser.


Intérieur de maison paysanne

Intérieur de maison paysanne

Ces bâtisses en toit de chaume reconstituent l’ambiance d’un village paysan de l’an mille, en Bretagne, à Melrand. Les maisons sont dites à habitat mixte : hommes et animaux, chèvres, porcs, poules y cohabitent.

Pas de fenêtre ; le foyer, à même le sol, indispensable en hiver, mais pas de cheminée. La suie encrasse tous les poumons aussi bien que  le maigre mobilier, son odeur imprègne les vêtements. Cette suie a pu être un « cheval de Troie » pour ce bacille de Koch, les corps étrangers favorisant toujours les agents infectieux. L’étanchéité du toit est problématique à son faîte. De l’argile l’assure, et pour bien la fixer, on y plante des iris ou des joubarbes dont les racines forment un treillis. Ces plantes résistent à la sécheresse de l’été. Le sol mérite après quelques années le nom de terre battue. Les lits : des paillasses changées régulièrement.

On imagine bien que cet habitat, froid et humide en hiver, insalubre pour tout dire, était très favorable aux pneumopathies, aux angines. Et si la pneumonie pouvait foudroyer un jeune en pleine santé comme un ancien plus fragile, la tuberculose, insidieuse, contaminait pour des années, voire des dizaines d’années, sans aucun signe clinique.

Une personne touchée sur 10 développait la maladie. Et les germes, résistants, pouvaient persister dans l’environnement de nombreux mois. Ces caractéristiques la rendaient totalement énigmatique.

Nos pays sont dits tempérés, mais cette qualification est discutable. Ils ne le sont que depuis que le chauffage en hiver s’est répandu. Les géographes qui les ont qualifiés n’ont sans doute jamais souffert de la période froide. Les hivers d’avant, suivant les années, étaient des périodes redoutables pour la santé et le bien-être, et redoutées.

Quand la famine ne menaçait pas à la fin des réserves, ils favorisaient les nombreuses angines à Streptocoque A, aux  complications graves potentielles, les pneumonies à Pneumocoque qui peuvent vous tuer en dix jours, les grippes…

Au XIX ième siècle, partout en France l’habitat change. L’iconographie de l’époque témoigne encore d’une promiscuité certaine.


Proximité entre hommes et bêtes.

Proximité entre hommes et bêtes.

Les maisons deviennent moins sombres, on se chauffe à la cheminée, mais l’humidité froide de l’hiver reste prégnante. A la ville c’est pire. En Angleterre l’élevage du mouton concurrence les petits agriculteurs qui, chassés de leurs terres, vivent misérablement dans les faubourgs.

La surpopulation est manifeste, et l’industrie naissante n’offre pas de meilleures conditions de vie dans toute l’Europe, bien au contraire. La peste blanche flambe.


Biotope favorable à la tuberculose

Biotope favorable à la tuberculose

Mais au même moment, la notion de contagion tuberculeuse commence à être divulguée. Ce mot là ne concernait jusque-là que les pestes. La peste noire, Pestis atra, a été vaincue par l’établissement des quarantaines. Mais il a fallu la science de Pasteur, et des autres, dont Koch qui a laissé son nom au bacille, pour prouver la contagiosité certaine de cette maladie si longtemps incompréhensible.

La lutte contre les crachats s’organise, un B A BA d’hygiène est enseigné à l’école. Une politique de santé publique se met en place dans de nombreux pays. Les malades sont souvent isolés, mais c’est plus tard qu’ils s’installeront dans les sanatoriums, où la guérison est possible. Et parallèlement, les conditions de travail s’améliorent, un peu de chauffage agrémente un habitat moins malsain, on se lave un peu plus,  on entretient des sols carrelés. On ne crache plus par terre.

Et finalement, les médicaments efficaces découverts dans les années 1940, le vaccin  BCG utilisé largement en France achèvent cette très ancienne pandémie. Mais clairement, ils ne sont pas à l’origine de la disparition de cette maladie.

C’est l’amélioration de nos conditions de vie, de l’hygiène, en un mot de notre écosystème, qui a fait l’essentiel. Plus précisément, c’est le charbon, acteur majeur de l’amélioration de notre habitat en hiver,  et la reconnaissance du phénomène de contagion, qui ont amélioré la santé respiratoire des populations.

Au prix du triste délabrement pulmonaire des mineurs de fond.