Rouges jardinspar Guy Grandjean
search icon
Retour

Quand un grand paranoiaque*se berce d’illusions

Ecologie

 

 

 

Cette femme maraîchère souffrait régulièrement de dermatose importante au moment du ramassage de céleri branche. Cette plante Ombellifère – porteuse de très jolies ombelles- (ou Apiacée) est particulièrement riche en psoralène. C’est une molécule dite photosensibilisante, c’est dire qu’en présence des rayons ardents du soleil, nous pouvons développer des réactions dermatologiques très désagréables.

Tout comme la grande Berce, une plante de la même famille, mais elle, tout à fait infréquentable.
Un simple toucher de cette redoutable peut entraîner de sévères irritations, qui peuvent être graves.

Elle fait partie du top dix des plantes ennemies : Staline, impressionné par la vitesse de sa croissance, ses 4  mètres pour les plus grandes, en avait assuré une promotion comme fourrage, en 1947, en raison de sa richesse en proteines : mauvaise idée, très mauvaise idée.

Résistante à moins quarante °C, produisant 100000 graines par an, c’est une compétitrice très bien armée. Elle étouffe facilement les plantes voisines par son feuillage , et ses graines sont gorgées de psoralène, qui possède aussi un puissant effet anti germinatif.

Quand le fruit tombe, il diffuse, tue les autres graines, fait place nette : un beau berceau pour les bébés Berce… C’est une invasive, à détruire hors son biotope originel, sans barguigner, et en prenant les plus grandes précautions : elle n’aurait jamais dû quitter sa Géorgie natale. Comme du reste le trop célèbre moustachu d’acier.

En fait, elle n’est comestible pour le bétail qu’en jeunes pousses. Plus âgée, elle a été à l’origine d’un très grand nombre d’hospitalisations. Sa tige est creuse, on peut même en tailler une flute très appréciée,
une fois la plante séchée. Mais que l’enfant en fasse une sarbacane, ou pire une longue vue, et le médecin voit  arriver d’impressionnantes  faces brûlées. Elle a donc posé  un problème majeur dans quelques régions russes, où cette borchtchevik avait proliféré de la Sibérie aux pays Baltes dans les années 1970. Depuis une lutte sans merci s’est engagée contre la monopolistique…

Elle est arrivée en France il y a une cinquantaine d’années, semée par un colonel amateur de plantes exotiques. Mais elle n’a commencé sa colonisation, elle, que depuis un dizaine d’années, pour des raisons inconnues : elle est maintenant installée dans les Alpes, considérée comme  hors contrôle en ce moment.

Seule une réaction d’ordre national peut nous éviter le genre de facture salée que paye l’Allemagne chaque année pour lutter contre cette super prédatrice : 10 millions d’Euros /an !

 

Grande berce séchée

Mais revenons à nos champs maraîchers. Cette année là, notre ramasseuse de céleri avait même développé de magnifiques ulcères cornéens,  qui avait nécessité une hospitalisation. Seulement voilà, elle était enceinte.

A la naissance, bébé souffrait d’ulcères cornéens, il est donc resté trois semaines à l’hôpital entre les mains expertes des ophtalmos et s’en est bien tiré.

Qui dira que le ciel des foetus est le même pour tous ?

Le psoralène  a été utilisé jusque dans les années 1995 comme agent bronzant. Quand on a bien étudié ses propriétés mutagènes, on s’est calmé un peu, on l’a même interdit. Il est resté un intéressant médicament utilisé dans la PUVA-thérapie, à doses contrôlées (psoriasis, eczéma, vitiligo).

Récemment une équipe a montré qu’il était un facteur de risque de  mélanome chez les personnes blondes ou rousses. Chez ces personnes, la consommation quotidienne de jus d’orange ou de pamplemousse est associée à une augmentation de 30 % de risque de cancer de la peau…

Reste que c’est bien sûr l’exposition excessive à notre astre aimé qui reste le principal pourvoyeur d’ennuis de santé : les anglais à peau claire l’ont vite compris quand ils sont venus se frotter au soleil australien au XIX ème siècle.

Et notre grandissante population chauve anime le commerce des casquettes et autres couvre-chefs en été…

Cette grande berce s’est invitée dans ce magnifique jardin, où elle est tout à fait indésirable, pour son simple contact, qui peut-être cuisant.

* Staline avait choisi de se faire appeler du surnom que ses camarades lui avait donné dès 1913 « Homme d’acier ». A la fin de sa vie, chaque soir,  il choisissait seul la chambre de sa grande datcha, pour y passer la nuit. Les 7 chambres possédaient toutes une porte blindée.