Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Des nuages en troupeaux sur le marais de Goulaine

Ecologie

 

 

Joël, adepte de la pigouille, aborde le marais avec délicatesse.

De lourdes menaces pèsent sur ce marais depuis quelques années.

L’enquête sur ces forfaits a été rondement menée, même si quelques responsables restent masqués.

Les faits : cette étendue de 1500 hectares plantée de rouche, nom local donné aux roseaux, est quadrillée de canaux et de douves. Elle s’offre aux nantais, à leur porte, en Sud Loire. Si vous la visitez, pas de moteur, mais des rames, ou de la pigouille. C’est-à-dire de la gaule, à la force des bras.

Vous pénétrerez un univers merveilleux, goûterez aux chants des multiples oiseaux, non apeurés par les moteurs sans gêne. Cette atmosphère de nature brute, de bruits d’eau et de vie animale vous enchantera. En été, le marais se réduit aux canaux et autres douves, la rouche est coupée, bottelée, et produit un très honorable paillage, à usages multiples.

Depuis quelques années, la biologie de ces eaux change, des mortalités importantes de poisson s’observent en été. Mais c’est dès le mois de mai que des algues dégoutantes s’invitent. Les analyses faites sont aussi claires que les eaux troubles. Métaux lourds, nitrates, phosphates pesticides, une litanie à air connu.

« La plus grande frayère à brochets d’Europe »,

cette affirmation, restée ancrée dans l’esprit local, a été retenue par  les « communicants », mais cette fanfaronnade n’est hélas plus d’actualité depuis quelques dizaines d’années.

 

En préambule, il faut dire que cet espace aquatique s’inscrit dans un réseau fluvial régional des plus dégradés. Deux superbes rivières proches, affluents de la Loire, l’Erdre et la Sèvre sont abandonnées à la triste indifférence des hommes à leur milieu. L’Erdre est plutôt phosphate, la Sèvre plutôt nitrate. A la fin de l’été, l’Erdre est la proie de ce qu’on appelle joliment des efflorescences algales. Comme une expression poétique, à chantonner doucement, en admirant la couleur bleue verte du cours d’eau. C’est sa mort que vous chantez là, car les taux d’algues bleues, dites cyanobactéries, sont alors à des concentrations extraordinaires pendant cette période de l’année. La chaleur ainsi que l’indolence du courant les font exploser, à tel point d’ailleurs qu’on a pensé un moment y interdire toute activité nautique ! Car certaines de ces algues produisent des toxines très, très désagréables. On les a à l’œil. Au début de l’automne, l’oxygène dissous dans l’eau est complètement consommé par ces algues filamenteuses, et toute autre forme de vie disparaît. Que ce soit dans l’Erdre ou dans la Sèvre, sachez qu’on y lavait encore le linge dans les années 1960. Ce qui ne viendrait plus à l’idée de personne, à la vue de ces eaux douteuses. Les mains parfois mordues par le froid, les lavandières y battaient le linge en cadence, juste avant l’arrivée de la machine libératrice. Puis les deux cours d’eau ont été assaillis par deux pollutions naissantes : les rejets les stations d’épuration des villes proches, et les pratiques agricoles intensives.  

Les cormorans nichent en familles 
Les cormorans nichent en familles

Le marais de Goulaine a subi les mêmes outrages, les prés le bordant ayant été remplacés à partir des années 1960 par des vignes et des terrains maraîchers. Et les stations d’épuration sont loin d’être adaptées… Ajoutez un tourisme non régulé qui peut entraîner aussi des pollutions indirectes non négligeables. Tout élevage trop concentré entraine fatalement l’usage de molécules indésirables. Le cheval pourrait céder un peu de son emprise à la vache nantaise…

Les hommes dans leur action dévastatrice ont profité de sérieux coups de main : d’abord, le ragondin qui pullule, et défonce les berges. En Amérique du Sud, sa contrée natale, les crocs du jaguar et autres caïmans freinaient son expansion : pas de jaguar observé à Goulaine, pas plus que d’alligator.

Ensuite l’écrevisse de Louisiane s’y est installée vers les années 2000. C’est sans doute une grande menace, elle s’avère extrêmement prolifique. Venue du Mexique, cette bestiole incroyable résiste aux mauvais traitements, eau de mauvaise qualité, sécheresse. En radiopistage, on l’a observée faire des marches de trois kilomètres ! Elle s’avère omnivore, et même détritivore, c’est une opportuniste formidable, elle fait ventre de tout. Par endroits, on en a observé des concentrations de 2,5 tonnes à l’hectare ! Elle est si abondante que le ragondin normalement rongeur de végétaux n’y résiste pas et l’a introduite dans ses repas.

La Jussie, jolie étrangère aux fleurs jaunes s’est aussi invitée,    on l’arrache régulièrement pour la contenir, elle est sérieusement invasive.

La rouche en premier plan, puis des saules, puis des osiers oranges.
La rouche en premier plan, puis des saules, puis des osiers oranges.

Sur le papier, ou avec la langue, il est très facile de préserver le marais : toutes ses déprédations sont maitrisables par des actions simples, de bon sens.

Les pollutions agricoles ? 

Préserver une bande riveraine de 15 mètres, plantée si possible, interdite de traitements phytosanitaires, tout autour du marais. Mieux, créer une ripisylve…

Les pollutions domestiques ?

Contrôler toutes les stations et les rejets éventuels sur les bassins versants. Limiter la densité des élevages en bordure de marais, c’est très facile.

Le ragondin : gérer sa population, dans le respect du « bien mourir » animal.

L’écrevisse : favoriser sa pêche, c’est un très bon comestible. La carte de pêche à l’écrevisse doit être gratuite, au moins pour les enfants, ce qu’elle n’est pas en ce moment, et c’est bien dommage.

 L’amélioration de la qualité de l’eau entrainerait un retour du brochet, qui est un prédateur de l’écrevisse, et pourquoi pas de la loutre, elle, qui s’en gave !

C’est absurde de parler d’éradication de ces espèces invasives. Elles sont là bien installées, et pour longtemps. Elles vont redessiner un nouvel écosystème, avec nous, et si nous prenons notre part, le marais revivra …différent, mais éternel…

Entre le haut du ciel et le bas du marais