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La vache, le paysan et le vaccin

Virologie

L’envie de vacciner est vieille comme le monde : “soigner le mal par le mal”, disait-on. Cette adage populaire a pu fonder des approches médicales diverses, dont l’homéopathie.

Pour le traitement des maladies infectieuses, l’histoire de la variole montre un long cheminement de la pensée médicale vers une solution largement adoptée au XX ième siècle, la vaccination. Nos ancêtres médecins ont parlé longtemps “d’inoculation”, venue de la Chine ancienne, qui s’est transformée en “variolisation” au XVIII ième siècle en Europe. 

Louis XVI s’est fait inoculé, ainsi que de nombreux nobles. C’était chérot, et peu connu. Le principe était simple : un malade estimé “léger” était prélevé au niveau de ses pustules, et avec une petite lancette, ce prélèvement était inoculé dans la peau du bras. C’était efficace, c’était aussi dangereux. 

Au niveau d’une population, l’épidémie était grandement atténuée : Bernouilli, un mathématicien visionnaire, calcule à cette époque que “l’espérance de vie”, expression nouvelle, pourrait augmenter de trois ans, pour une population totalement vaccinée, ce qui était encore peu imaginable à cette époque. Spectaculaire résultat : la mortalité s’effondrerait alors qu’elle pouvait être de 30 % quand on laissait l’épidémie flamber ! En un siècle elle avait réduit la population indienne de 25 millions à …. 1 million. Quand les marins européens avaient transbordé le virus, alors totalement inconnu aux Amériques. La population y était donc particulièrement sensible.
La variole était ainsi la maladie contagieuse la plus terrible, bien avant la peste, le choléra…
Mais la variolisation pouvait tuer aussi !
On parlait de 1 % de décès chez les inoculés.
Elle pouvait aussi déclencher une épidémie nouvelle, et tout ceci était à l’origine de la méfiance de certains médecins, farouches adeptes du “primum, non nocere”, d’abord ne pas nuire, inscrite dans leur serment. Certaines villes interdisaient d’ailleurs leur accès aux variolisés…

Au même moment en Angleterre, un fermier passe à l’acte.

Malade atteint de variole

Dans les campagnes françaises ou anglaises, il était notoirement connu que les femmes qui trayaient les vaches atteintes de la “cow pox”, la vaccine, étaient épargnées par les épidémies de variole.
En 1774, Benjamin Jesty, un paysan ayant lui-même subi les affres de la maladie, inocule le pus du pis d’une vache atteinte à sa femme et ses enfants. Après des troubles passagers, aucun n’est atteint par l’épidémie.Edward Jenner, un médecin connaissant toutes ces données, poussera un peu plus loin “l’expérience” en inoculant la maladie humaine après une variolisation au “cow pox”. Blossom est le nom de la vache atteinte ayant servi à ses essais.

Une relique possible, un morceau de corne de "Blossom", cette vache atteinte de cow pox.
Une relique possible, un morceau de corne de « Blossom« , cette vache atteinte de cow pox.


Vaches étonnées

La vaccination est née à ce moment : vaccination dérive de vaccine, mot français pour “cow pox”, venant de vacca, vache en latin.
Le principe fondateur, d’utiliser un microbe d’agressivité atténuée, ou une réponse croisée d’un microbe proche, allait s’avérer fécond, et c’est au siècle suivant que sont nés les vaccins historiques, contre le charbon et surtout la rage. Jenner était avant tout un observateur opiniâtre de la nature.


C’est lui qui le premier, a décrit aux savants de l’époque l’incroyable comportement du petit coucou, oiseau parasite connu dans toutes les campagnes par son chant singulier. Cet oisillon est génétiquement programmé pour vivre seul dans le nid parasité. Peu de temps après sa naissance, il passe tout par dessus bord, oeufs, oisillons, que ce soit ses frères ou soeurs, ou les rejetons de l’espèce parasitée.

L’instinct coucou leur impose à la naissance de « faire place nette », de jeter les autres oeufs par dessus le nid.

C’est lui aussi qui a décrit le premier les migrations des oiseaux, alors que le sens commun parlait de disparition des oiseaux dans des endroits cachés. Les hirondelles étaient censées « se réfugier au fond des marres pendant la mauvaise saison » ! A cette époque sans photographe, la rumeur s’envolait aussi vite que le témoignage fidèle. Restait le poids des mots d’un savant respecté, soucieux d’une démarche pragmatique.