Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Le dessin manquant

Virologie

 

 

Curieusement, l’histoire des sciences est un sujet ignoré dans nos écoles, et encore plus l’histoire de la médecine. Entre l’envie de croire donnée à notre ancêtre simiesque de quelques millions d’années, et notre moderne cerveau farci d’informations, l’immensité d’un parcours touffu reste dans l’ombre. Nous, les supermen, naissons à des kilomètres de notre nature première, comme si un simple regard sur tout ce chemin parcouru n’avait vraiment aucun sens, aucun intérêt. Mais cette illusion nous égare, freine notre libre arbitre. Comment oublier les premiers pas de la vaccination anti rabique ?

Bien sûr les historiens ont montré tous les excès d’une vision « béate » du savant Pasteur terrassant le mal, ce microbe placé sous les sunlights de l’époque. Les premières personnes vaccinées n’étaient peut-être pas toutes atteintes de rage : aucun diagnostic biologique n’étant disponible, aucun diagnostic formel n’était possible. Mais il est tout à fait impossible de ne pas y voir un émouvant chemin de vérité et d’amour , même si Pasteur ou son entourage proche ont pu se laisser aller jusqu’à maquiller certains de leurs résultats !

En 1913 V Fraitot publie un petit ouvrage illustré sur Pasteur, sa vie, son oeuvre, et quel ne fut pas mon étonnement d’y voir un dessin disparu pour moi de la mémoire collective. Le berger Jupille, deuxième personne soignée par le vaccin curatif de Pasteur a été statufié ainsi devant l’Institut du savant.

 

Jupille, le berger. Cette statue est clairement « politiquement correcte ». Le jeune berger se défend simplement d’un chien enragé.  

Originaire du Jura, cet adolescent courageux s’était interposé entre un chien « enragé » et des enfants qu’il attaquait. Il réussit à maîtriser la bête, mais difficilement ; étant lui même profondément mordu, il put quand même ligoter la gueule de l’animal avec son fouet, et il le massacra à grands coups de pierre sur la tête. C’est le maire du village qui, alerté, fit la demande à Pasteur de soigner ce grand blessé. Le berger Jupille reçu un peu plus tard le prix de la vertu Montyon décerné tous les ans à cette époque à des actions d’éclat de type « humanitaire ».

Il est en effet difficile pour nous d’imaginer ce « combat à mort », cette bestialité nécessairement retrouvée de cet adolescent au comportement héroïque. Difficile aussi d’imaginer l’émotion extraordinaire née de la possibilité de soigner la rage, émotion qui fit le tour de la planète très rapidement. Tout le monde savait à cette époque que la rage était une maladie constamment mortelle, et que des médecins d’alors, en toute discrétion bien-sûr, étaient amenés à proposer des morts dignes à ces terrifiantes agonies.

Ce n’est que quelques jours plus tard qu’une maman américaine fit le voyage à Paris pour des enfants, que dix neuf moujiks arrivèrent de Smolensk.

Abeille dans la bonne direction
Abeille dans la bonne direction

Pour de jeunes parents, la vaccination peut représenter une certaine forme de violence pour les bébés. Mais quoi de plus violent que de voir mourir un enfant de rougeole, quand on sait disposer d’une prévention très efficace et sans danger ? D’une hépatite B fulminante ? Ces cas rares sont tout à fait traumatisants pour la famille, comme pour le personnel soignant. Dans nos pays, avec les antibiotiques et et les vaccins, il est devenu tout à fait inacceptable de voir mourir un enfant d’une maladie infectieuse.

Voici « le dessin manquant »: Jupille massacre un chien devenu fou dangereux car atteint de la rage.