Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Dégoutés, écoutez-moi quand même toutes ces salades égouttées !

Humeur

L’oeil aux aguets

« Vous rampez sur vos feuilles de papier comme des escargots sur des feuilles de salade » !

Bougonnait parfois ce professeur de français qui, vers ces années 1960, étirait ses cours de longs monologues obscurs. Il fumait également une éternelle cigarette qu’il mâchonnait en même temps que ses vérités. Nous avions perçu quand même son admiration pour les grands cerveaux, et son aversion pour ceux qui les avaient petits, les gastéropodes. Moi j’aimais déjà bien voir ces coquilles, ces merveilleuses spirales qui tournent à gauche, ou à droite, selon.

Qui disait escargot disait salade, et inversement. Un homme politique influent avoua même dans son autobiographie avoir mangé un limaçon pour n’avoir pas à froisser la femme du préfet qui invitait.

Les temps changent : qui dit salade dit pochon. Quant aux escargots, leur lenteur n’est pas de mise dans notre monde qui court, ogre affamé qui en est venu même à consommer le temps. Aux yeux des gestionnaires, chronomètre en main, les subordonnés sont devenus des cagouilles, joli nom charentais désignant les gastéropodes. Opportunément remplaçables maintenant par des robots rapides.

Et ce sont eux qui la ramassent d’ailleurs, la salade, pour ensuite l’empochonner dans l’ambiance frisquette des usines de conditionnement. Et c’est là où le bât peut blesser, je vous explique comment.

Finis les limaçons, commence le règne des bactéries … car nos automates ne savent pas bien sûr ramasser et peler de la laitue bien pommée. Non, ce qu’ils savent faire, c’est couper au ras des pâquerettes dans les champs, du bébé salade. Mais attention, c’est délicat, il ne faut pas ramasser de la terre en même temps : et les tortillons des vers de terre, ça colle aux lames, donc… exit les vers de terre.

Des jeunes pousses en pente douce

 

Mais une terre sans vers, c’est comme une planète sans lune, c’est chaotique, il manque un système régulateur essentiel. La biodiversité du sol s’effondre, les bactéries profitent de la faiblesse du monde champignon ainsi créé, on entre dans un univers différent.

Les Listeria, telluriques, sont à l’affût, ainsi que les Salmonelles et autres terribles E. coli O157 H7, si le fumier non composté est utilisé.

C’est pour ces raisons qu’une salade peut maintenant vous tuer, ce qu’elle n’avait jamais fait auparavant, du temps des escargots. En 2015 trois personnes aux Etats-Unis, en été 2016 deux personnes en UK. Sans aucun doute la partie immergée de l’iceberg.

Incubateur à salade penché

 

Aux States, après de gros efforts, on ne dénombre plus que 1500 morts par an pour deux millions d’intoxications alimentaires déclarées. Un grand progrès. A coup de stérilisation, d’UV, de rayons, de chloration. Et vous ne serez pas surpris d’apprendre que maintenant, ce sont les fruits et les légumes qui font la majorité de ces intoxications !

 

Reste à manger des compotes et des crudités bouillis, et ils seront sortis de l’auberge. C’est le cas de le dire d’ailleurs, car question plaisir gustatif, c’est un peu la fin des haricots.  Cet « american way of live » fait tache d’huile en Europe. La gastronomie, la fête de nos papilles, disparaît sous les énormes coups de boutoir de l’agrobusiness bien servi par les services marketing et la néo paresse du consommateur.

Quelle histoire de ouf !

 En France, on résiste encore, 10 morts par an, surtout des Salmonella et des Listeria, c’est peu de choses, quand on considère les chiffres plus que les hommes.

Ces salades en pochons, on les javellise légèrement, c’est un minimum pour faire baisser la charge bactérienne de ces authentiques milieux de culture, ces feuilles coupées, qui doivent « tenir » quelques jours après la sortie d’usine ! Mais ce traitement n’est pas une assurance tout risque, certaines variétés de salade prenant un malin plaisir à retenir à fleur de peau toute sorte de bactéries, dont certaines sont infréquentables ! Ajoutez à cela un assaisonnement assez fréquent aux perturbateurs endocriniens, je vous vois déjà saliver !

Rien de meilleur donc qu’une salade mature, sapide donc, bio, et lavée à la française, c’est à dire à la main !

En écoutant FIP, c’est encore largement jouable…

Etonnement bovin et ébouriffé devant tant de bêtise humaine
Etonnement bovin et ébouriffé devant tant d’incohérence humaine