Rouges jardinspar Guy Grandjean
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L’robot l’boss

Mystique

Quand homo, le singe nu, est devenu chasseur, pour survivre, il s’est cru chasseur. Il a taillé des cailloux à longueur de temps, devenus bifaces. En un million d’années, son arme est devenue étincelante. Quand on aime, on ne compte pas, le temps qui passe. Ces années là, il rêvait plutôt de victimes pataudes. Quand il a lancé ses premières bolas, ces deux pierres liées, il passait ses nuits à étrangler les jambes des animaux les plus véloces. Mais il les a jetées au rebut quand un autre bipède, nu comme lui, l’a totalement bluffé avec son arc prodigieux, et ses flèches filantes, qui trouaient le gibier lointain, trompé par l’odeur d’excréments dont il se maquillait. Quelques siècles plus tard, il a laissé cet arc au grand père, quand les bâtons cracheurs de feu se sont répandus, semant une mort surprenante, dans un sacré boucan, sans preuve immédiate de blessure. Il tuait de plus loin encore.


Les hommes se sont multipliés.

Les batailles sont devenues guerres, sur chaque continent, et dans cette immuable logique, ils les ont industrialisées. Deux fois, elles sont devenues un enfer planétaire, une horreur inimaginable.

Même les Dieux ont tremblé. La fission de l’atome a calmé cette férocité diabolique, accompagnée de la révolution verte, qui nourrit mieux, qui ôte l’envie d’aller chiper de nouveaux territoires aux voisins.

Mais, le ventre plein, les hommes ont continué à se faire la guerre, par habitude.Une guerre sans mort, la nouvelle guerre, la guerre économique.


Guerre papoue. Document rare.

Guerre papoue. Document rare.

Les modernes capitaines, d’industrie, formés en grand nombre dans tous les pays, dans les plus prestigieuses facultés économiques , ont appris et utilisé tous la même stratégie.

La stratégie du mammouth, la grosse bête qui écrase, qui s’impose, par la peur qu’elle suscite. Sans même bouger le bout de la trompe.

Ils ont fusionné, absorbé leurs entreprises jusqu’à la multinationale.

Les banques ont d’abord accompagné cette valse planétaire, mais les plus malignes, en se cachant dans des branches peu fréquentées, se sont hissées jusqu’au sommet de l’arbre.

A leurs bottes, pour tailler dans les coûts, les capitaines se sont servis au vaste banquet de la science. Ils ont adopté l’informatique, l’intelligence artificielle, puis l’automate, puis le robot.

Ces machines peaufinent le bilan comptable, cadencent nuit et jour. Elles concurrencent les hommes bien mieux qu’eux-mêmes, qui ont accéléré le pas, et commencent à courir.

Et les hommes deviennent robots à leur tour, leur intelligence devient logiciel. Certains à temps partiel, d’autres H24. Leur vie émotionnelle se réduit comme peau de chagrin, ils n’échangent plus que des mots, ils ne chantent plus.

Abandonné par le sourire, devenu orphelin de la nature, Homo en est réduit à imiter ses merveilleuses machines.

En 2001 dans le film l’Odyssée de l’espace, l’ordinateur Hal implore l’homme de ne pas le débrancher.

Quand le singe nu est devenu connecté, il s’est cru robot.