Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Comment la finance désodorise, mais on le savait déjà

Mystique

   Article de biologie politique

Vaches écossaises émigrées en Bretagne, sous contrôle.

Vers 1930, un enfant recevait souvent pour tout cadeau de Noël une orange.

Quelle merveille !

Sa rondeur d’abord, bien rond, plus rond qu’une pomme. Rond comme la Lune. Sa peau, douce, cireuse, mais comme mamelonnée. Sa couleur, quoi de plus bleu ? Ses odeurs, le zeste, le blanc. Une étonnante nouveauté. Sa saveur, une vraie fête pour les papilles. Et si un grand frère un peu facétieux était là, on pouvait s’amuser à enflammer l’essence éjectée à la pression de la peau près de la cheminée, une vraie magie. Le carbure d’hydrogène est volatil et inflammable.

Et sa première banane ?

Ce même enfant, en 2017 éprouverait le même émerveillement devant son cadeau de Noël, une « Station de jeu ». Il serait même rapidement fasciné, comme aspiré par cette avalanche d’évènements.


Mais l’apparente simplicité de l’orange, par rapport à cet univers riche, mobile, possède somme toute sur cette tablette quelques sérieux avantages « en nature ».

Les pédagogues m’aideront en développant toute l’importance de l’apprentissage sensoriel. En revanche, notre société industrielle encourage grandement l’arrêt de l’éducation à ce monde sensible. Elle, elle aime le technologique, l’écran, l’image, le chiffre. Elle ignore le toucher, l’odeur, le gout et sa musique.

Dans le monde alimentaire, c’est un véritable jeu de massacre. Le bon goût ne semblant réservé maintenant qu’à la gastronomie, tout un apprentissage paraît-il, et peu d’élus. Ce massacre a commencé en France dans les années 1960.  Aux Etats-Unis, bien avant, et la situation y est actuellement proprement effarante : dans de nombreux quartiers, dans certaines grandes villes même, sur l’ensemble des Etats, il est tout bonnement impossible de trouver des fruits et des légumes frais ! Cette histoire de fou a commencé quand les industriels se sont mis à lorgner sur le monde paysan, et ses productions.


Bougez pas les gars, nous, on va vous faire moins cher, et en plus grande quantité, et propre, vous les culs terreux ! Tout le monde a marché dans la combine, et bien des paysans aussi, à part quelques hurluberlus accrochés à leurs vieilles lunes. Dès qu’on entend le froissement d’un gros billet, une promesse, tous les nez se lèvent. C’est humain, c’est vieux comme le monde, on l’a appelé le veau d’or, à un moment. Le progrès en marche !  Le premier aliment d’importance majeur touché par cette frénésie progressiste a été le pain. Très rapidement cet aliment si cher à nos parents, encore plus à nos grand parents, est devenu couenneux, voire immangeable en 48 heures. Les boulangers ont réagi, mais trop tard, et pas assez, le ver est resté dans le fruit. Il est possible de trouver du bon pain aujourd’hui, de l’excellent même, mais il ne vous tombe pas dans le panier quand vous faites votre marché. Le pain industriel omniprésent rend coites vos papilles gustatives, et rabote l’ensemble de votre système digestif, à la longue. Cette sinistre plaisanterie a touché toute la filière de la meunerie, a orienté toute la génétique céréalière, a normé toutes les pratiques culturales. Et nous en sommes encore là, à rêver de farines « à taux protéique élevé », sans le moindre souci du goût du pain, sans le moindre souci de son impact sur notre santé digestive, et notre nouveau venu le microbiote.


Le merveilleux pain du Landreau, Loire Atlantique de la Scop Pain Virgule : savoureux, odorant, moelleux, et consommable une semaine après sa cuisson.

Le merveilleux pain du Landreau, Loire Atlantique de la Scop Pain Virgule : savoureux, odorant, moelleux, et consommable une semaine après sa cuisson.

Le deuxième kidnapping majeur a été le lait, dans la foulée. Quand les coopératives laitières se sont mises en place dans ces années là, la qualité du lait en a grandement profité : la chaine du froid a été installée partout, les contrôles vétérinaires et sanitaires systématisés, le lait sortant des tanks de l’époque était une pure merveille. Trop tentant pour l’industriel : il suffisait de promouvoir le lait UHT auprès du consommateur. Un léger bourrage de crâne sur les vertus de la stérilisation, de l’écrémage, et la paresse congénitale du consommateur chatouillée. Concentration industrielle aidant, le paysan en est réduit comme sa vache à être à la botte des Lactalis, et autres mammouths sans âme et sans coeur. Pour s’en sortir, certains se sont enferrés sur la monoculture du maïs, « maïs après maïs », qui est une abomination environnementale. Les technocrates en ont rajouté une couche en supprimant les judicieux quotas laitiers, et le jeu de massacre se termine en ce moment.  Sous les coups de talon de l’agrobusiness et des géants de la distribution, le paysan est presque mort . Le bon lait avec, et ses fromages.


Il y a encore meilleur.

Il y a encore meilleur.

Celui qui reste barboter au fond de votre bol est une triste boisson palote, inodore et sans saveur. Bien entendu, personne n’a jamais étudié avec précision les effets de cette nouvelle boisson sur nos intérieurs. Pourtant les hautes températures peuvent affecter ses constituants,  et l’homogénéisation subie modifie les structures lipidiques. Quoi de meilleur qu’un yaourt fait maison à partir d’un lait frais trait légèrement chauffé ? Quoi de plus succulent qu’un bon chocolat touillé dans du lait cru complet ? Qu’une crêpe bretonne au lait frais, bien dorée ?  Dans le sillage de ce détournement organoleptique de masse,  toute la filière fromagère a été entrainée à valser sur cette folie organisée du « stérilisé ».


J'aime les vaches, leur odeur, leur impassibilité, leur chaleur. Elles ont des grandes vertus calmantes, rassurantes. Je comprends les égyptiens qui en avaient fait une déesse des plus importantes, à leur firmament : Hathor se dessine dans le ciel, …

J’aime les vaches, leur odeur, leur impassibilité, leur chaleur. Elles ont des grandes vertus calmantes, rassurantes. Je comprends les égyptiens qui en avaient fait une déesse des plus importantes, à leur firmament : Hathor se dessine dans le ciel, avec la voie de lait, dite lactée.

Tous les aliments y sont passés : d’un claquement de doigt cultivez dans les Landes quelques centaines d’hectares de carottes aqueuses et peu sapides qui chahuteront les cours, et donc toutes les productions locales artisanales. Presque tous les légumes y passeront. Les fruits sont récoltés verts. Les salades en sachet, ramassées par des automates, ne peuvent être que de jeunes salades sans gout. Un poulet de 35 jours, une viande mollasse et insipide. La tomate de serre juste un souvenir de tomate, avec son bilan carbone complètement archaïque. Le canard un vague goût de pintade. La pintade un goût de rien, qui fond dans le four. Etc.


Qui sont les responsables de cette énorme farce ? Les industriels ? certainement, à l’image d’Emmanuel Besnier, grand paranoïaque mégalomane, patron de Lactalis. Le lait payé 27 centimes le litre au producteur, de l’ordre de grandeur du prix de l’eau en bouteille, cherchez l’erreur. 32 centimes pour Lactalis, ça coute cher, toutes ces publicités, le lobbying intensif, car tout se petit monde sent bien quelque part que le lait va déborder ! Le lait « bio » est mieux rémunéré, à plus de quarante centimes, mais attention aux redoutables effets de « la loi du marché ». Xavier Beulin, le patron syndicaliste avec son nez qui bouge, confit de conflits d’intérêts. Il aime tellement le poulet brésilien, qu’il en a fait manger à ses bretons, sous forme de plat préparé. Qui l’eut crû, Lustucru ? Mais il y a prescription, l’erreur est humaine, n’est ce pas ? Les mastodontes de la distribution, surement, mais aussi certainement nous autres les consommateurs. Dès l’enfance, nous nous rinçons la cervelle à coup de publicités bêtifiantes, parfois drôles, mais toujours mensongères. Omniprésentes. Et nous finissons par croire qu’elle parle de la réalité, il suffit de la pimenter de quelques pseudos vérités scientifiquoïdes. L’agrobusiness n’a plus qu’à nous cueillir adulte, bien formaté  : l’affaire est dans le sac, on peut empocher le grisbi, tranquillou, en faisant croire à tout le monde que les grandes surfaces se font concurrence. Quelle blague ! Elles nous bernent, parce ce que nous nous bernons nous mêmes d’abord. Et nous ne sommes qu’au milieu du gué : la prochaine étape est la financiarisation complète de l’agriculture, qui a déjà débuté dans de nombreux domaines.

Nos campagnes sont en grand danger !


Le goût des aliments a basculé ainsi en quelques dizaines d’années : goûter une tomate bien mure de jardin peut alors devenir une authentique révélation, comme un délicieux fromage au lait cru, et bien d’autres fruits ou légumes.

Je propose de fêter Noël en plein été ! Et d’offrir à nos enfants de l’authentique (ave l’accent !) Magie du langage, les sens en fête nous aide doublement, ils nous aide aussi à retrouver le sens, langue de vérité !

Par ici !