Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Une deuxième Lucy pour éclairer notre lanterne

Virologie

Lucy est le prénom donné à une de nos ancêtres africaines, un clin d’oeil à la chanson des Beatles « Lucy in the sky with diamonds », universellement connue en cette année 1967.

Une jeune femme Innuit décédée mi novembre 1918 de la grippe espagnole porte désormais le même prénom, au moins dans le coeur de Johan Hultin.

En 1949, cet étudiant suédois entend parler de la grande pandémie de grippe survenue à la fin de la guerre de 1914. Johan réalise que l’on pourrait retrouver ce virus dans les corps gardés congelés dans le permafrost du Grand Nord, ce sol gelé en permanence : dans cette région, l’épidémie avait été particulièrement sévère, avec des mortalités de 80 % dans certains villages. En 1951, à Brevig, après autorisation des membres du village, il dégèle le sol sur deux mètres pour réaliser quelques biopsies sur quatre cadavres bien conservés. Mais l’échec est complet : le virus refuse de pousser sur oeufs embryonnés, ne contamine pas les furets. Bref, le virus n’est plus vivant.

En 1997, Johan est en retraite, a 72 ans, quand il lit, ébahi, un article du périodique « Science », où Jeffrey Taubenberger présente le premier décryptage de 15 % de l’ADN du fameux virus. Il a travaillé à partir de biopsies de tissus pulmonaires formolés inclus dans des blocs de paraffine. Ces tissus proviennent de soldats décédés brutalement, car le virus disparait en une petit dizaine de jours des tissus.

Johan lui écrit immédiatement, en lui proposant de repartir à Brevig, à ses frais, lui documentant tous les aspects de son expédition de 1951. Jeffrey lui donne son accord rapidement, et voici notre couple, l’ancien et le moderne, à pied d’oeuvre, après avoir rencontré le conseil du village. C’est donc à deux mètres qu’ils découvrent les ossements, et par chance, la dépouille d’une jeune femme Innuite presque intacte, protégée en faite par son obésité. Pour ces deux hommes, cette femme apporte la lumière, elle s’appellera Lucy.

Grâce à Lucy et à quatre autres corps, anglais et américains, Jeffrey Taubenberger, réussit à séquencer cinq virus, qui s’avèrent incroyablement identiques, à trois nucléotides près, sur 13500 nucléotides, ce qui montre l’extrême homogénéité de ces virus.

Entre 1951 et 1997, l’armée, évidemment intéressée, avait essayé de retrouver le virus, mais la mission Project George avait été un échec total. Une autre énorme expédition dirigée par Kirsty Duncan en 1997 n’avait produit que des analyses négatives.