Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Visite de crypte gratuite

Bactériologie

 

 

Colonie bactérienne de quelques semaines sur boite de Pétri.

La crypte est l’endroit où les premiers chrétiens cachaient leurs suppliciés. Époque terrible où l’apparition d’un certain non-conformisme, peut-être d’un peu d’ »amour social », entraînait une colère aveugle et meurtrière.

Ma crypte à moi n’est pas cachée volontairement. Elle recèle un trésor qui n’intéresse personne ou presque. Et pourtant !

Ma crypte est notre antre, notre cuisine interne, notre système d’assimilation. Car si c’est par la gueule que nous savourons nos gastronomies, c’est plus bas que le corps se nourrit, lui, de molécules affinées dans nos chaudrons digestifs. L’estomac d’abord, où les protons attaquent la matière brute. Puis de longs tuyaux, où l’enzyme travaille sans relâche. Ces organes hébergent une population pullulante de microscopiques amies : celles que j’appelle les bactoches, les bactéries.

Elles sont plus nombreuses que l’ensemble de nos cellules, c’est dire leur importance. Parmi ces amies, la star depuis un bon moment se nomme E. coli (Escherichia coli). Dans le ventre de la bête, l’immense majorité de ces toutes petites amies ne supportent ni l’oxygène, ni la lumière.

Le E. coli fait l’exception, avec quelques autres. Et curieusement, on le retrouve dans les intestins de tous les animaux à sang chaud, du pinson guilleret au lama grincheux. Parmi eux, se glissent des E. coli pas sympas, voire pas sympas du tout.

Toutes les femmes qui souffrent d’infection urinaire le connaissent d’ailleurs de son vrai nom. Dans les cas sérieux, les antibiotiques sont utilisés avec un grand bonheur. Et depuis leur trouvaille, notre arbre urinaire s’en trouve grandement mieux. Finies les infections traînantes, qui vous rendaient l’urine éternellement puante et généraient de fatigantes fièvres obscures.

L’infection urinaire est toujours l’infection bactérienne la plus fréquente dans nos pays, et de loin.

Moins nombreux, les cailloux dits calculs rénaux et vésicaux. Ces derniers pouvaient vous boucher les tuyaux et même vous empêcher de pisser vos déchets. Les douleurs pouvaient être tellement infernales que les malades demandaient et supportaient une invraisemblable chirurgie sans anesthésie.

Dès leur apparition, en gros à la deuxième guerre mondiale, les bactoches ont immédiatement organisé leur défense, c’est ce qu’on a appelé la résistance bactérienne. Grâce à la sécurité sociale, la France est probablement le pays où l’étude de cette résistance est la mieux organisée ; mais bien sûr, cette science en mouvement ne peut être que mondialisée.

Les bactériologistes ont ainsi mis au jour un monde bactérien trans-biotique ou pan-biotique, qui évolue à une vitesse que la raison a du mal à appréhender. Voici les découvertes qui ont « séché ces découvreurs ».

Le goéland est un très bel oiseau, dont les capacités d’adaptation sont telles qu’elles le transforment un peu partout en emmerdeur patenté.

 

 

 

En Camargue, des biologistes ont analysé leurs crottes, donc leurs E coli. La moitié résistait à au moins un antibiotique ! 6 % hébergeaient une résistance que l’on estime d’importance majeure, apparue il y a très peu d’années en Europe.

À l’université d’Uppsala en Suède, Bjorn Olsen et son équipe ont testé les déjections de 97 oiseaux cueillis dans le grand Nord, là où l’homme est rare. Les E coli ont été testés contre 17 des antibiotiques les plus couramment utilisés de toutes les classes de molécules. Dans ces no man’s lands, 14 résistances sur 17 furent retrouvées !

Ces travaux ne sont pas uniques. Tous confirment que la résistance aux antibiotiques affecte maintenant, et sans doute définitivement, l’ensemble des êtres humains et du monde animal dont nous sommes proches. En pratique, ceci signifie qu’une résistance due à des mauvaises pratiques médicales, ou vétérinaires, à l’autre bout de la planète, peut un jour se retrouver dans votre assiette.

Et vous avez beau mener une vie hypersaine, ronger des carottes biologiques, ne jamais prendre d’antibiotiques, vous pouvez héberger à votre insu des E coli résistants. Bien entendu, pour l’instant c’est un phénomène émergent et donc de faible impact sanitaire en Europe.

Mais c’est l’occasion à saisir que nous vivons tous sur une même galère, où ceux qui rament comme des cochons nuisent aux autres, en toute innocence !

Que seules les valeurs de solidarité, de coopération ont, et auront valeur de survie dans un monde devenu complexe du fait des innombrables calamités écologiques causées  par l’ineffable sottise humaine.

Abeilles tardives sur fleurs de novembre.
Abeilles tardives sur fleurs de novembre.