Rouges jardinspar Guy Grandjean
search icon
Retour

Une relation inaliénable

Mystique

 

 

Deux pollinisateurs Photo Anne Beringuer

Les plantes à fleurs sont handicapées pour connaître la sexualité, pour nous si bienfaisante !

Car elles sont fixées, immobiles, et qui sexe dit désir, mouvement, échange. Elles n’ont donc d’autre choix que de composer avec un autre, qui va faire voyager la cellule sexuelle, ce qu’on appelle le pollen.

Si c’est le vent, c’est facile, du moins dans les régions… venteuses. Mais il y a un prix à payer, car le vent est volontiers rustre, inconstant, voire infidèle. Si la plante veut s’étendre, draguer large, elle paye un gros tarif, en terme vulgaire d’énergie, car elle doit émettre du pollen en quantité.

Les herbes – des céréales aux bambous – et la grande famille des sapins l’ont pourtant adopté.

 

 


Stapelia

Stapelia

Le plus souvent l’intermédiaire est l’insecte, et ceci est une très vieille coopération. Une très ancienne synergie, une très ancienne symbiose, les mots savants ne manquent pas. Parfois l’oiseau, le petit mammifère, voire le singe sont mis à contribution, mais ces transporteurs sont beaucoup plus rares. Plus difficiles sans doute. Ils ne sont pas du genre à jardiner, à polliniser à l’oeil.

L’insecte lui, peut être simplet, les mouches et les moucherons qu’exploite la Stapelia sont du genre gros benêt : je te produis une odeur répugnante genre « rat crevé », et les voilà qui rappliquent dare-dare, à tous les coups. Certaines même, les idiotes, pondent dans la fleur, alors que rien n’y est consommable par un petit bébé asticot !

 

 


Cette magnifique Stapelia pue : sitôt éclose, elle attire de magnifiques mouches à merde, qui se dépêchent de pondre dans ses poils, en pure perte. Les asticots n'y trouvent rien à manger.

Cette magnifique Stapelia pue : sitôt éclose, elle attire de magnifiques mouches à merde, qui se dépêchent de pondre dans ses poils, en pure perte. Les asticots n’y trouvent rien à manger.

Cette association dure depuis si longtemps qu’elle fait ricaner l’abeille, qui elle, bosse moyennant subside ; sans nectar, rien à faire, elle ne se déplace pas, ou si peu. Les plantes qui pratiquent le sexe avec l’abeille sont donc dites mellifères.

 

Abeille chargée comme un bourricot, corbeille chargée de pollen blanc.

 

Ces contrats passés entre le monde insecte et celui des plantes sont fort anciens, et en fait inaliénables. Le végétal a ainsi créé des fleurs à profusion pour séduire l’animal volant, et des parfums pour le faire succomber. C’est un simple leurre pour certains, puisque la mouche de notre Stapelia par exemple repart flouée. C’est une fructueuse complicité pour d’autres : l’abeille, elle, ne vit que de nectar et de pollen.

Tuez l’insecte, plus d’insecte, plus de plante à fécondation entomophile*. Équation simple, sans inconnue. L’abeille aide ainsi aux éco-conversions, entrouvre les yeux aveugles à l’apocalypse de notre biosphère ; petit animal sympathique, travailleuse, domestiquée, on la sent mal partie dans les régions agressées, agrobusinessées, qui ne cessent de s’étendre. Le miel qui part en fumée, ça la fout mal, et pas mal de fruits qui s’évanouissent avec.

IMG_4090.jpg Guy Grandjean

La religion monothéiste qui a succédé à l’animisme depuis deux mille ans, a réécrit peu à peu les rapports entre l’homme et la nature. Plus tard la formidable aventure scientifique a finalement détruit tout rapport émotionnel entre nous et l’animal, la plante, le minéral, l’astral. Nous croyons vivre dans une bulle issue de notre création.

Pourtant, nous sommes nés de la nature, et malgré sa violence, comment l’oublier ?

Même l’abyssale bêtise humaine chevauchant son orgueil insensé, provient d’elle.  Les connaissances bio-physiques que l’on commence à distiller depuis deux cent ans nous re-tricotent peu à peu ce rapport inaliénable, ce contrat jamais écrit entre elle et nous. La simplicité, les anciens auraient dit l’humilité, est le seul chemin possible.

 

 

 

*Entomo: insecte en grec. Sexe par l’insecte donc.

 

Stapelia