La punaise des lits, en pratique

La punaise des bureaux, ça peut piquer si on s’asseoit dessus par mégarde.

La punaise de lit, ça peut piquer dans une chambre d’hotel douteux. Et ça gratte après furieusement ! Elle nous pique de nuit, on dit qu’elle est lucifuge -comme le rat-, et se nourrit exclusivement de notre sang.

Gavée, elle change de couleur en devenant rouge noirâtre. Mais elle peut rester des mois sans manger, elle est alors transparente. Son côté rassurant : elle ne transporte pas de virus, inocule rarement des bactéries pathogènes.

Des biologistes viennent de montrer leur attirance pour l’odeur humaine. Facile : deux sacs de linge laissés une nuit dans un endroit infesté de punaises : le lendemain les punaises peuvent se trouver dans le sac de linge sale, pas celui de linge propre. En revanche le CO2 ne les attire pas, contrairement à ce que l’on  croyait, mais il augmente leur activité.

Donc, en pratique à l’hotel : mettre la valise sur une chaise, ou un endroit « isolé », pas sur le lit en tout cas. Et le linge sale, directement dans la valise, si vous ne tenez pas à ramener une clandestine, une emmerderesse de tout premier plan. Dans notre histoire, pas si ancienne, elle a troublé un nombre incalculable de nuits.

Au XIX ième siècle, Megnin note :  » à Paris, en 1895, il ne parait pas probable qu’une maison bâtie depuis 3 ou 4 ans n’en recèle pas. Mais la ville, qui selon toute apparence, nourrit le plus de punaises, c’est Lyon. »

Elles se développaient particulièrement dans les communautés, genre caserne. Soljenitsyne rapporte que les prisonniers de son goulag passaient leurs lits métalliques deux fois par mois à la lampe à souder.

Vers 1800 en Inde, des miséreux étaient pris en charge par l’hôpital, en échange de nuits passées avec cette vermine, sans les molester, par respect de toute vie animale !

C’est dire qu’elles pouvaient être partout, chez les nobles comme chez les pauvres, tout comme les puces. Mais la propreté et l’entretien régulier de la literie, où elles s’incrustent, les éloignaient, et ceci est connu depuis fort longtemps !

Isoler les pieds de lit dans des petits vases remplis de répulsif n’était pas totalement efficace, elles savent déambuler « sur » le plafond, et se laisser tomber sur le dormeur !

Les essais de lutte contre cette vermine datent des Romains et des Grecs. Godfrey à Londres décrit des méthodes de fumigation au soufre parfaitement capables de les détruire, dès le XVIII ème siècle. Il préconise de prendre soin de calfeutrer le logement très soigneusement. En 1950 à Glasgow, 11% des habitations sont encore infestées, 0,01% en 1963. Les insecticides et la plus grand hygiène sont passés par là.

Mais elles reviennent nous narguer, quelques années plus tard, multiplication des échanges oblige. En peu de temps, avec conjointement l’interdiction du dangereux DDT, elles sont redevenues un fléau mondial. En France, on estime à plus de  200 000 le nombre de sites infestés. Quand elles se sont installées, l’amateur doit savoir s’effacer devant le professionnel, et l’addition est en général salée, vue les grands moyens employés : si dans un immeuble, plusieurs appartements sont touchés, il est très difficile de s’en débarrasser.

On l’appelle bed bug outre-Manche, et l’anglais était volontiers traité de bug par les Irlandais, comme le breton appelait doryphore le soldat allemand ou … le parisien.

Tout récemment aux urgences du CHU de Nantes, quelques punaises ont été décelées dans deux chambres. La réaction a été immédiate : fumigation de tout le service, et mise à disposition de camions frigorifiques pour décontaminer les matériels et meubles médicaux : ces bestioles ne supportent pas plus le chaud que le froid. Quelques minutes à moins vingt degrés, ou à 46 °C. Non mais ! Cette réaction rapide est à saluer, c’est la meilleure façon de pas se laisser faire par ces emmerderesses !