Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Le jeune homme qui se prenait pour un canari

Médecine

Ce jeune homme arrive chez le médecin en fâcheux état. Il souffre de maux de tête, il ne sent pas bien, pas bien du tout. Son pouls bat un bon 140 pulsations minute, il est hypertendu. Rapidement le diagnostic est entendu : il souffre d’une intoxication au dioxyde de carbone,  et ce beau et jeune garçon a failli tout simplement passer l’arme à gauche. Ce genre de drame n’est pas fréquent dans notre routine. Il y a quelques années, un viticulteur avait été retrouvé inanimé au fond d’une cuve à vin. C’est un grand classique, la fermentation des raisins produit du dioxyde de carbone, le CO 2, qui, plus lourd que l’air, s’accumule au ras du sol . Si la couche de gaz carbonique est importante, la syncope peut-être instantanée et la mort très rapide. C’est un gaz inodore, incolore et sans saveur, et le moyen de le détecter simplement est de toujours travailler avec une bougie. Si la flamme s’éteint, mieux vaut ne pas insister, et faire ronfler les ventilateurs. Dans les campagnes, quand les puits étaient curés, une élémentaire précaution consistait à y jeter un journal en feu, avant d’y descendre.

Dans les mines de charbon, les dangers étaient plus complexes : danger d’explosion avec le méthane, CH4, et le monoxyde de carbone CO, danger d’intoxication avec ce monoxyde de carbone ,danger d’étouffement mortel avec le dioxyde de carbone CO 2, et manque d’oxygène. On n’a jamais inventé un métier plus pénible, plus dangereux que le métier de mineur. Un grand progrès pour notre société, mais à quel prix pour eux !

Pour déceler ces gaz, les mineurs de fond avaient adopté des lanceurs d’alerte animaux, les canaris. Ils étaient déjà attentifs aux souris, qui vivaient dans les réserves de foin descendues pour nourrir les chevaux de trait. En fait les oiseaux étaient de piètres détecteurs de méthane, il faut dire que c’est un gaz peu toxique, et le grisou n’était pas décelé par les oiseaux. En revanche, ils détectaient très bien les excès de monoxyde de carbone, très présent,  le dioxyde de carbone au fond des mines, et le manque d’oxygène, qui étaient craints des hommes. Ils s’arrêtaient de chanter, s’agitaient et mourraient rapidement.


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En 1987, les sauveteurs au Pays de Galles utilisent encore les canaris sentinelles ! Mais l’époque a changé, on pense à réanimer l’oiseau flageolant, grâce à une petite bonbonne d’oxygène.


Notre jeune homme n’était ni mineur, ni viticulteur. Il ne venait pas de curer son puits. Il venait juste de travailler quelques heures chez un serriste éleveur de tomates. Car dans ces serres, les tomates sont nourries de CO2. Les maladies fongiques sont les plaies de ces cultures, et certains veulent travailler en serres fermées, comme pour isoler leurs cultures des spores de l’atmosphère ambiante. Mais en fermant ces serres, bien entendu, les taux de CO 2 doivent être contrôlés, ce qu’ils n’étaient visiblement pas. Dès la floraison, le lanceur d’alerte des serres fait son office : le bourdon introduit comme pollinisateur est sensible au CO2, comme aux pesticides du reste.

Cultiver des tomates en plein hiver est bien peu écologique. Un expert anglais a calculé que le bilan carbone du kilo de tomates cultivées en Angleterre est quatre fois celui de tomates marocaines importées ; tout en sachant bien sûr que la tomate mûre supporte mal le voyage.

Il est totalement absurde de cultiver des tomates en hiver, et voilà la découverte du jour, c’est même dangereux ! En France, en serre froide, vous pouvez espérer manger des tomates au mois de juin, c’est déjà pas mal !


Remarquez les pieds de tomate dans le jardin de Mammy Dette. Les tomates en pleine terre, quel délice ! Mais en Bretagne, pas avant Juillet.

Remarquez les pieds de tomate dans le jardin de Mammy Dette. Les tomates en pleine terre, quel délice ! Mais en Bretagne, pas avant Juillet.