Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Les jeux de poly mono

Philosophie


Les histoires de bigynie ou de biandrie ne manquent pas au cinéma. C’est ce qu’on pourrait aussi appeler la bigamie, terme peu employé pourtant quand on écrit l’éternel roman de la femme et de la maîtresse, ou de l’homme et de l’amant.

Dans l’histoire mondiale, plutôt lointaine, la polygynie, c’est-à-dire la possession de plusieurs femmes, a été quasi universelle. La polyandrie, c’est à dire la possibilité pour une femme de disposer de plusieurs hommes, est, et a été infiniment plus rare ; il faut dire que les universels combats , petits et grands, fauchaient les guerriers bien plus que les guerrières. Cette polygynie s’entretenait d’instincts animaux, reliques comportementales encore épanouies tout au long du processus mystérieux qu’on appelle hominisation. Parler de harems ne concernait que les pays musulmans, alors que le gynécée des empereurs de Chine était tout aussi organisé. À certaines époques lointaines, on a pu dénombrer plus de 10 000 concubines, dont les supposées périodes de fertilité étaient soigneusement notées par les fonctionnaires impériaux. On y décèle là comme un désir de reproduction monopolistique. Les despotes indiens n’étaient pas en reste, avec les milliers de femmes du roi Udayana. Petit joueur à côté du roi perse Khosrô II, qui vivait, lui, entouré de 3 000 femmes et de 12 000 esclaves du même sexe. Les rois Khmers possédaient peu de femmes, mais des centaines de concubines. Passez au Nouveau Monde en traversant l’Atlantique. Montezuma, l’empereur Aztèque ridiculisé par Cortès, disposait de milliers de femmes. Le roi des Natchez, dans la vallée du Mississipi, en possédait presque autant. Descendez en Amazonie et les Yanomani vous expliqueront que tuer un ennemi vous amenait automatiquement la respectabilité, et donc le droit de profiter de plusieurs femmes. En passant par les Antilles, vous avez appris que les Caraïbes n’étaient pas des voisins très accommodants ; que c’est plutôt eux qui vous accommodaient sur le grill, à la moindre contrariété , et que les razzias qu’ils pratiquaient de manière routinière entretenaient leur stock de femmes esclavées. On dit même que sur certaines îles, le monde masculin était si éloigné de l’univers féminin que les deux sexes ne parlaient pas le même langage !

Ce qui devait réduire les scènes de ménage aux simples acquêts premiers, les hurlements.

 

Dans notre histoire plus locale, les rois étaient censés user et abuser de leur royal sceptre ; si Louis XV était convoité par la noblesse féminine, Louis XVI et Louis XIII ont déçu. Qu’importe : l’homme puissant se mesure au nombre de ses conquêtes. S’il était auparavant prêt à améliorer le sang de son peuple dans sa frénésie reproductrice, il serait affublé maintenant du sobriquet crétin de « semeur de gênes ».

Non, l’élévation dans la hiérarchie paraît être un atout majeur dans la séduction, tout comme l’uniforme ; il rassure, et cette qualité s’implante fermement dans notre psychologie toute empreinte encore de violence. Reste que ce va-et-vient dominant-dominée n’est qu’un des nombreux jeux de l’espace amoureux. S’il s’impose, envahit la relation, il renvoie immanquablement à une animalité qui s’éternise.