Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Les hosties sanglantes

Bactériologie


Guy Grandjean

Nul ne sait les diverses réactions des prêtres quand ils découvraient des taches rouges sur les hosties, pieusement gardées dans les ciboires, ces vases sacrés posés sur les autels des églises.
Qui voit rouge dit sang, voici donc une histoire d’hosties sanglantes.
Une fresque de Raphaël témoigne du miracle d’Orsena, petite ville italienne où, en l’an 1263, du sang apparut sur les hosties au cours d’une messe. Le Vatican fut alerté, et c’est en 1264 que le pape Urbain IV instaura logiquement la Fête Dieu, ou « Corpus Cristi  » pour honorer la réalité de la présence de Jésus Christ dans la célébration religieuse.

Or cette diablerie-là se produisait régulièrement. Qui dit diablerie dit pacte avec le diable. Hérétique ? Sorcière ? Tzigane ? Cette extraordinaire preuve de l’incarnation du mal fut à l’origine de massacres de milliers de Juifs innocents.

C’est au XIXème  siècle, en analysant une polenta contaminée, que l’on établit la présence d’un pigment rouge, baptisé prodigiosine, produite par une bactérie appelée Serratia marcescens. Certaines variétés de cette bactérie synthétisent ce pigment sur certains milieux pauvres.

XIVème siècle


La fuite s'organise

La fuite s’organise

Chose insensée, les Juifs semblaient épargnés.

Chose étrange, on les voyait couvrir les puits et enlever les seaux.

Des mensonges se transformèrent en rumeurs.

N’auraient-ils pas corrompu les eaux potables ? En 1349, sous la torture, quelques juifs » avouèrent ». Comme une traînée de poudre, la nouvelle se répandit. Les ghettos, les synagogues furent brûlés ; de très nombreuses colonies juives entendirent le « Turn or burn ». « change de religion ou brûle »


Des fosses étaient creusées, et les juifs y étaient précipités sur des bûchers 

Des fosses étaient creusées, et les juifs y étaient précipités sur des bûchers

1348 : naissance de l’idée de quarantaine.

1656 : Athanasius Kircher, un jésuite, annonce la théorie du Contagium Vivum : « la peste est produite par des animalcules invisibles à nos sens », théorie qui commence à trouver un écho parmi les médecins et les hommes politiques.

XVIIIème siècle

Les cordons sanitaires armés ceinturent les régions infectées. C’est la fin de la peste atroce, Pestis atra, en Europe avec une ultime tragédie à Marseille, en 1720 : une quarantaine mal respectée, a t on dit à l’époque. Ceci a été réfuté il y a peu de temps.

Dans les avis au public, on put lire écrits par les responsables municipaux de l’époque  : « messieurs les échevins, exhortent les personnes zélées qu’il y a dans la ville, d’avoir la bonté de se présenter et de monter à cheval pour contribuer à l’enlèvement et l’enterrement des cadavres. »

Bien entendu, on ignorait tout à l’époque du rôle des rats, de celui des puces et du bacille de Yersin, et que la puce du rat noir, principal vecteur de la maladie, a une sainte horreur du canasson. Ce sont bien des décisions politiques qui ont vaincu la peste.

1799 : l’armée napoléonienne rencontre la peste au Moyen-Orient. Le médecin chef Desgenettes s’inocule la peste., le pus d’un bubon, au regard de tous pour rassurer l’armée ; chanceux, il s’en tire. Ce geste insensé fut à l’origine « d’une contagion salutaire, celle du courage », c’est un commentaire de l’époque. Au retour d’Egypte, Napoléon songe à son image : au musée du Louvre, on admire donc un tableau de Gros représentant Bonaparte touchant les bubons des pestiférés. En fait, il en avait peur et avait proposé l’administration de Laudanum , potion ancienne à base de vin et d’opium,  pour achever les malades.  Desgenettes refusa d’obéir en déclarant : « mon devoir est de préserver ».

 

 

Un peu plus tard, le savant pastorien solitaire Yersin, met en évidence le bacille. Considéré comme un dieu au Vietnam, son souvenir s’éclaire encore des cierges que la population lui brûlent.

Et c’est en 1897 que Simond remarque de minuscules piqûres sur certains malades, qui lui mettent « la puce à l’oreille ». Il fait la preuve, grâce à son élevage de ces parasites et de rats, de l’inoculation du bacille par la puce. Pour les manipulations, ces charmantes bestioles étaient juste engourdies à l’eau et au savon, et saisies entre le pouce et l’index !

XXème siècle

En Inde, vaste épidémie dans les années 1920 : environ 12 millions de morts, et toute une pédagogie organisée pour montrer le rôle des rats et des puces.
En Inde, vaste épidémie dans les années 1920 : environ 12 millions de morts, et toute une pédagogie organisée pour montrer le rôle des rats et des puces.

En 1920 : 27 décès sont déclarés à Paris. Les journaux et la radio de l’époque parlèrent de la maladie 9. Le ministère de la santé organisa une chasse aux rats avec primes : on vit alors avec stupeur s’organiser des élevages clandestins de ces rongeurs ! Le vocabulaire fut ensuite rectifié : cette mini-épidémie de peste s’était déclarée parmi les chiffonniers qui vivaient dans de véritables « repaires à rats ». On entendit des déclarations publiques sinistres telles celles d’un sénateur : « Les grands sémites, métèques de deuxième zone véhiculant avec eux le microbe anarchique  » . Tel un bouton de fièvre, la xénophobie s’épanouit en général quand apparaît une nouvelle épidémie : l’atavisme, caractère ancien resté latent, déterre alors comme un vieil os, l’ordre enfoui de « retrouver l’ennemi ».

En 1945 : 10 décès sur 13 cas à Ajaccio, ultime tragédie en France.

XXIème siècle

En 2003, les scientifiques ont montré au monde entier que les hommes et les femmes de tous horizons pouvaient enfin coopérer. Le savoir-faire et le courage de quelques médecins, aidés par les récents moyens de communication, ont permis l’identification rapide du nouveau virus du Sras. Ce nouveau redoutable pathogène aurait pu, à une autre époque, provoquer un cataclysme. Les mesures d’isolement, très douloureusement ressenties, mais nécessaires, ont été prises de manière coordonnée par tous les pays concernés. L’épidémie a été étouffée « dans l’oeuf ». Au début de son histoire, dans les années 1980, le virus du Sida avait  révélé une effroyable zizanie entre responsables de la santé  publique, chercheurs, et ceci dans de nombreux pays. En une génération, l’esprit coopératif s’est installé dans la communauté médico-scientifique mondiale.

 

 

Observation ancienne transcontinentale :

                 Le mal de Naples sévit en France

                 Le mal polonais à Moscou

                 Le mal allemand en Pologne

                 Le mal français en Angleterre et en Allemagne

                 Le mal espagnol en Hollande

                 Le mal castillan au Portugal

                 Le mal portugais au Japon

 

                     A l’origine de tous ces maux?

 

             La même bestiole, le tréponème pâle, agent de la même maladie, la syphilis .