Rouges jardinspar Guy Grandjean
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L’ Europe n’a plus la jaunisse.

Virologie

Floraison des Etoiles de Bethléem il y a peu, ou Dame de onze heure

Nous avons eu au labo récemment un cas d’hépatite virale A. C’est devenu rare en France,  en Europe, et en fait dans tous les pays « développés ».


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C’est logique : comme c’est un virus affilié à l’homme, et à l’homme seulement, quand le réservoir diminue, le risque diminue d’autant. Dans ma jeunesse, on parlait de jaunisse, cette maladie était encore assez fréquente car la gestion de l’eau et des excretas étaient loin d’être au top. En particulier sur les côtes où les égouts se déversaient parfois tranquillement  près des cultures de moules et autres huîtres. Maintenant on parle d’hépatite virale, ça fait un peu plus peur. On ne pouvait pas être impressionné par des transaminases à 5000, puisqu’on ne les dosait pas. C’était banal et bénin pourtant, chez l’enfant, dans la grande majorité des cas. Comme le virus de l’hépatite A ne circule plus dans nos pays, les adultes sont de moins en moins protégés par des anti-corps.

Et si nous le rencontrons une fois adulte, cette grosse inflammation du foie devient d’autant plus ennuyeuse qu’on grimpe en âge. Elle peut même être catastrophique chez l’ancien. D’où la recommandation importante du vaccin pour les voyages dans des pays à eau douteuse.

Les seuls cas qu’on observe régulièrement encore en France en ce moment restent des souvenirs de touristes, migrants non vaccinés, ou sont dus à la consommation de fruits rouges surgelés importés. Le virus résiste en effet à la congélation. Qu’ils proviennent de pays africains, de Turquie ou d’autres, si vous ne les faites pas bouillir pour faire votre crumble,  c’est une conduite à risque, il faut mieux donc être vacciné pour manger du crumble avec fruits rouges importés !

La deuxième jaunisse est celle due au virus B, qui peut être nettement plus féroce que le A. Curieusement c’est en Australie que Blumberg l’a découvert, dans du sérum d’aborigène, en 1964, d’où son premier nom, l’antigène Australia. C’est un français, Philippe Maupas, médecin pharmacien vétérinaire (!), qui a mis au point le premier vaccin. Il était attendu avec impatience dans tous les hôpitaux du monde. Ce chercheur remarquable, « qui enseignait sans lire ses notes », a laissé un souvenir ému à tous ses étudiants de la faculté de Tours. Son vaccin a reçu l’autorisation de mise sur le marché en 1981. Ce virus peut se transmettre relativement « facilement », dans un simple contact étroit mère enfant, par exemple. Et très facilement « de sang à sang ». C’est aussi une IST, une infection sexuellement transmissible. En 1986, je me suis précipité pour me faire vacciner : dans tous les labos, on pouvait voir des techniciens qui souffraient de cette maladie, peu ou prou. Il était notoire aussi que certains porteurs de ce virus n’en souffraient aucunement tout au long de leur vie. C’est bien la réaction immune des patients qui est essentielle, complexe,  propre à chaque personne, qui peut faire la gravité de la maladie. Le vaccin actuel, remarquable, a fait disparaître cette hépatite, ses complications, et s’est avéré extraordinairement efficace dans les pays de forte endémie -la Chine par exemple-. Il n’est malheureusement pas accessible partout. Sa réputation a été entachée de doute en France, et en France seulement, par trois bêtises de trois ministres de la santé, qui ne connaissaient pas bien le dossier.  L’un a imposé une vaccination de masse aux adolescents en 1994, avec une pédagogie très maladroite, ce qui était particulièrement bêtouille à cette époque Sida. Les deux autres ont laissé entrevoir qu’il était possiblement agent de graves complications, ce qui n’a jamais été avéré.

Dans cette bande de malfaiteurs, le virus de l’hépatite C est celui qui a donné des sueurs froides aux chercheurs. Il a été l’acteur majeur du drame de la transfusion, avec le virus du Sida. Appelé non A non B, quand j’étais étudiant, il a été entièrement séquencé en 1989, donc nommé, avant d’avoir été vu au microscope électronique en… 2016. Et c’est une équipe de … Tours ! Qui a publié la première ! Tours, la capitale mondiale de l’hépatate virile ! Récemment un protocole de soins remarquable a rendu possible la guérison complète de la maladie, même avancée. Le Sofosbuvir a été négocié à 40 000 euros en France, par traitement, mais le laboratoire américain Abbvie – anciennement Abbott- laisse entrevoir un traitement analogue,  à un coût  moindre. Il reste malheureusement à peu près 150 000 personnes en France qui ne connaissent pas leur positivité à ce virus.


Porc poilu

Porc poilu

Le cochon s’est invité récemment comme transporteur d’un de ces malfaiteurs. Le virus de l’hépatite E, si il circule d’abondance dans l’eau sale des pays en voie de développement, se cantonne dans nos pays dans le foie de plus de la moitié des cochons. Rajoutez 20 % des sangliers, et les cerfs, il faut donc cuire à coeur toutes ces préparations, en particulier celles à base de foie. Mais ce n’est pas une nouveauté : tout le monde sait que d’une part, « tout est bon dans le cochon », et qu’on le mange « bien cuit », en souvenir de l’ancien Taenia du porc, disparu chez nous, mais aussi de la plus moderne Yersinia enterolytica qu’on détecte régulièrement dans nos labos.


Fleur de cerfeuil sauvage, un peu photoshopée, qui tapisse nos fossés en ce moment.

Fleur de cerfeuil sauvage, un peu photoshopée, qui tapisse nos fossés en ce moment.

En bref, de même que l’hépatite alcoolique est largement en baisse en Europe, les hépatites virales ne seront bientôt plus qu’un souvenir, grâce à l’hygiène collective,  la cuisson du cochon,  aux deux remarquables vaccins, ceux de la A et de la B, et aux nouveaux traitements de l’hépatite C.


C'est le moment des bourgeons.

C’est le moment des bourgeons.

Reste au monde entier à prendre exemple sur l’Europe !