Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Des toutous dans nos labos, pour un diagnostic au pif.

Médecine

Examen organoleptique des urines : une méthode ancienne pour essayer de comprendre.

Le diagnostic au pif, au propre comme au figuré, a été très souvent pratiqué par les médecins jusqu’au XIX ième siècle. Les urines étaient reniflées, les selles aussi, « les humeurs » itou ; les médecins de Molière existaient encore il y a peu. Retenons quand même le diagnostic formel, fort ancien, de diabète établi par des urines sucrées. Mais  j’ai été stupéfait de lire un ouvrage du début du XX ième siècle décrire de manière très savante, toutes les différences qu’il pouvait exister entre des selles françaises et des selles germaniques. J’ai lu aussi des compte rendus d’analyses de selles des années 1950 totalement fumeux, c’est le mot, déclinées grâce à la perspicacité de l’auguste tarin du biologiste se penchant sur le fumet de la crotte maladive. Mais la crédulité perd du terrain chaque jour un peu plus, et miracle, les maladies aussi, quoique les hommes s’ingénient à s’en créer de nouvelles régulièrement, je veux parler des fameuses maladies de civilisation.

Mais récemment, l’odeur commence à intéresser de nouveau le monde médical, et son intérêt pourrait peut-être en surprendre plus d’un. Pas moins de dix sept pathologies ont pu être ainsi dépistées dans l’haleine de patients par un nez artificiel. Késaco ?

Des équipes anglaises, israéliennes, l’ INRA, travaillent avec bonheur sur ce sujet. Que ce soit en CPG, couplée avec de la MS, ou avec d’autres technologies, des composés organiques volatils sont repérés, et la présence de quelques uns d’entre eux suffit à définir une signature de maladie. Pour l’instant, le dépistage concerne l’insuffisance rénale, des maladies  intestinales, Parkinson, la SEP, et certaines tumeurs, mais le potentiel est important.

Non invasif, pas cher, rapide, quoi de plus pertinent ?


Merveilleuses odeurs des glycines et des giroflées

Merveilleuses odeurs des glycines et des giroflées

L’Institut Curie avait annoncé en mars 2017 les premiers succès du projet Kdog, un dépistage du cancer du sein par odorologie, effectué par  deux chiens, deux  malinois. C ‘est une infirmière, Mme Isabelle Fromentin, qui est à l’origine de cette initiative. Au cours de sa carrière, elle raconte avoir toujours été sensible aux odeurs, celle de la peur : celle des tumeurs. Après six mois d’entraînement, ces chiens limousins ont réalisé un sans faute. 100 % des tests sont concordants. Ils ont été menés sur 130 femmes volontaires. Ce projet, porté par un groupe de médecins et de techniciens cynophiles, a été rendu possible par un financement participatif, c’est aussi une autre originalité. Les chiens ont été dressés par les maîtres-chiens, à « repérer les composés odorants », permettant de détecter une anomalie biochimique sur une lingette imprégnée de sueur, ou portée dans un soutien gorge, et des tissus prélevés sur les sujets. L’étude clinique suivante devrait durer cette fois-ci trois ans, de 2018 à 2021, et impliquera quatre chiens et 1 000 femmes. « Il s’agit de prendre en compte un échantillon plus important pour valider la sensibilité du projet Kdog », précise l’Institut.


L'odorat du chien est 100 000 fois supérieur au nôtre. Un dixième de son cerveau y est dédié, contre 0,1 % chez nous. Les laborantins bipèdes préfèrent la vue. 

L’odorat du chien est 100 000 fois supérieur au nôtre. Un dixième de son cerveau y est dédié, contre 0,1 % chez nous. Les laborantins bipèdes préfèrent la vue.

Pourquoi des bergers belges, me direz vous ? Pourquoi pas des Chihuahuas ou des Saint-Bernard ? Demandons aux cynophiles.

Tous les chiens ont pour ancêtre commun le loup. Toutes les variétés de chiens ont en fait été créées par l’action des hommes, par ce qu’on appelle la sélection. Les Bulldogs par exemple ont été élevés pendant très longtemps pour combattre les taureaux, au cours de spectacles interdits au Royaume-Unis dès le XIX ième siècle. Leur physique particulier était adapté pour « saisir à la gorge et les saigner » les malheureux bovins torturés ainsi pour le plus grand plaisir de ce qu’on appelait alors « la populace ». Eh bien nos malinois, des bergers belges, donc issus de gardiens de troupeaux, ont été sélectionnés extrêmement soigneusement pendant presqu’un siècle par des professionnels. Le standard de la race, bien stabilisé, est remarquable à bien des égards : d’un odorat exceptionnel, il est d’un comportement extrêmement fiable, quand il est bien élevé. C’est pour ces raisons que son succès est international dans le recherche de drogues, d’explosifs, ou de victimes d’avalanches. Il est le chouchou des policiers, et a permis en France de résoudre en quelques années 162 affaires judiciaires sur 522.

L’ odorologie canine a été développée dans les pays de l’Est dans les années 1970, défrichée par un médecin hongrois, principalement  pour repérer les dissidents. Dans les années 1980, les policiers de l’Ouest ont été se former en Hongrie et en Roumanie, pays champions du flicage à l’époque. Et c’est en 2002 qu’Interpol a validé cette procédure.


Le mur de Berlin, du temps du rideau de fer 

Le mur de Berlin, du temps du rideau de fer

L’odeur humaine est très discriminante, puisque des vrais jumeaux vivant séparément n’ont pas la même – alors que l’ADN est identique. Vivant sous le même toit, ils ont la même odeur une fois sur deux. Une trace d’odeur humaine est repérable quatre jours. Un textile adéquat, de fabrication hongroise, peut piéger cette odeur en une heure de contact. Ce textile est ensuite placé dans un bocal hermétique, et peut être gardé dix ans.

 Pour notre berger belge, c’est clairement une nouvelle carrière qui s’ouvre à lui : laborantin, car assurément, il intéresse les pays en voie de développement, pour des raisons de coût. D’autres études ont été publiées : repérage du cancer de la prostate dans les urines, avec un succès de 98 %, ainsi que celui de la thyroïde. C’est tout un nouvel univers biologique, au service des hommes, qui s’offre à nous. Bien sûr, les pays riches utiliseront la CPG couplée à la MS, et d’autres technologies, en complément. La grande complexité des tracés obtenus demandera quelques années de mise au point, mais tous les outils informatiques sont là pour y voir clair rapidement.

En quelques milliers d’années, l’homme a pu transformer le loup en chien, son meilleur ami, on appelle ce phénomène la  domestication. Il est en train d’en faire son aide médical, quelle plus belle alliance entre l’homme et l’animal ? Entre l’homme et la nature ?


Tss tss tss : les hommes me collent en prison, après avoir détruit mon habitat. Moi, ils n’ont pas réussi à me domestiquer, je suis bien trop puissant pour ça, trop « libre ». En quelques dizaines d’années, mes vainqueurs n’ont cessé de violer des grandes lois biologiques et physiques. Notre planète en est a été rendue invivable du coup.                                                                                                                                                              Est-il trop tard pour qu’ils arrêtent enfin de se situer sempiternellement en dehors de la nature ? En un mot qu’ils commencent à se domestiquer eux-mêmes !

PS : Pour les gros mots : CPG, Chromatographie en phase gazeuse. MS, Spectrographie de masse. Jeune biologiste, je me spécialiserais fissa dans ces domaines, qui vont très vite nous faire ranger nos prises de sang, invasives, c’est à dire « douloureuses », au grenier des gestes has been. « Ils étaient obligés de s’extraire du sang pour comprendre ».