De l’omelette brésilienne aux oeufs brouillés flamands à la sauce américaine

Oeuf mou : les poules de temps en temps pondent des oeufs sans coquille : c’est plutôt rare.

La rançon du gigantisme

Les brésiliens veulent produire la moitié des poulets consommés dans le monde. Leur martingale est simple. Poulet = maïs plus soja. Or maïs = chaleur plus eau et soja = chaleur plus eau. Sous la cordillère des Andes, quel endroit plus propice, une fois qu’on a rasé quelques arbres ? Le prix des engrais étant le même partout dans le monde, ainsi que le prix du Round Up nécessaire à la culture industrielle du soja, comme du maïs, qui peut arrêter cette locomotive ? Une implacable logique en marche, pour un poulet à un balle le kilogramme. Une pauvre bête, martyrisée, abattue à 21 jours, et le financier* rêve qu’elle le soit à 20 : son rêve est notre cauchemar.

La réalisation de poulaillers géants fait le reste : chez comme aux States, des fermes géantes à cinq millions de volailles ne leur font pas peur.

Seulement voilà, après la logique financière, il y a la bio logique.

Les élevages géants sont des univers sinistres et fragiles : introduisez y une couple de poux rouges en forme, un seul suffira pour anéantir votre plan financier en peu de temps. Introduisez y un virus de grippe aviaire un peu agressif, vous pourrez observer une épidémie de mort gallinacée en quelques jours, voire en quelques heures !

Ces oeufs contaminés me rappellent une épidémie tout à fait hors norme, dans les années 2010, aux Pays Bas. La fièvre Q s’y était installée, Q comme question. Car le diagnostic est difficile. Une seule bactérie peut contaminer, cas rare, et cette bactérie, Coxiella burnetti est extrêmement résistance dans l’environnement. Une épidémie d’une grande ampleur, dans les élevages de chèvre, 40 000 animaux euthanasiés. J’avais réalisé à ce moment là les conditions incroyables de l’élevage caprin dans ce pays : les chèvres vivaient enfermées dans de grands hangars, serrées comme des poulets, presque comme des sardines. Un comble pour cet animal si épris de liberté, qu’elle en a été longtemps le symbole dans l’imagerie enfantine, la chèvre de monsieur Seguin.

Un peu comme les Japonais, les Hollandais connaissent depuis longtemps le fardeau de la surpopulation humaine. La nécessité de survivre nombreux sur de faibles surfaces les a conduit à concevoir avant les autres l’usage de l’énergie éolienne. La défense de leurs territoires conquis sur la mer n’est pas une mince industrie. L’élevage a suivi la même recherche d’efficacité. Curieusement ils n’enferment pas les moutons, que l’on peut observer gambader dans toutes les campagnes. Toutes les autres espèces domestiques connaissent l’enfer de la vie cloitrée, entassement formidable de pauvres vies dans une atmosphère urino-fécale, avec une gestion des excreta qui est un casse tête insurmontable.

Un tiers du poulet consommé en France est brésilien, la plupart du temps dans les plats préparés où la traçabilité n’existe pas. Après la ferme aux mille vaches, on a vu naître le pondoir à 250 000 poules, et des poulaillers à 100 000 têtes, tout à fait récemment en France, pour cette guerre des prix imbécile, la fameuse loi des marchés, chef d’oeuvre de stupidité de l’âme humaine.

*Je donne au mot financier un sens général. Un paysan peut s’avérer un redoutable financier, tout comme un biologiste.