Rouges jardinspar Guy Grandjean
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L’amiante de mon père.

Médecine

1898 – L’inspection générale du travail en Grande-Bretagne signale les mortalités anormales chez les travailleurs de l’amiante.

1906 -Un inspecteur du travail de Caen rédige un rapport resté confidentiel jusqu’aux années 1990, dénonçant les décès d’une cinquantaine d’ouvriers dus à l’amiante dans une usine de fabrication.

1910 – Aux États-Unis, refus par les compagnies d’assurance d’assurer les travailleurs de l’amiante.

1930 -Premières descriptions cliniques des effets de l’amiante publiées dans les revues médicales.

1945 – L’asbestose est reconnue maladie professionnelle en France.


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1951 : mon papa, ingénieur des Travaux Publiques, fait un stage aux Etats Unis pour apprendre à construire, ce qui signifie, à cette époque, apprendre à bétonner. Il rencontre des enseignants dont certains  lui parlent du danger du flocage à l’amiante, utilisé larga manu dans les constructions comme isolant et anti-incendie. Revenu en France, responsable de nombreux chantiers, il s’efforcera de ne  pas utiliser ce dangereux matériau.


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 1971 – Des mesures réglementaires sont adoptées en Grande-Bretagne et aux États-Unis.
1975 – Première médiatisation en France : les chercheurs de la faculté de Jussieu à Paris récemment construite, découvrent que leur établissement est isolé à l’amiante.


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1975 Dans notre famille, moi et mes frères demandons à notre maman de ne plus utiliser de serviettes en amiante utilisées pour le repassage du linge.


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1977 – En France, le flocage d’amiante est interdit dans les bâtiments publics et chez les particuliers.

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1994 – En France, la mort de six enseignants du lycée de Gérardmer.

1996 – Un décret oblige les propriétaires de bâtiments à réaliser un diagnostic sur la présence de l’amiante.

1997 – Interdiction de toute fabrication, importation ou commercialisation de l’amiante en France et série de décrets et législations relatives à la protection des travailleurs et des populations.


Cet Echinocactus, appelé familièrement "le coussin de  belle mère" est la victime d'une compétition entre épineux. Le coussin en est tout déformé à droite.

Cet Echinocactus, appelé familièrement « le coussin de  belle mère » est la victime d’une compétition entre épineux. Le coussin en est tout déformé à droite.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que nos sociétés n’ont pas été promptes à se saisir de cette féroce pollution aérienne.

Une multitude de petites lâchetés, d’indifférences à la souffrance de l’autre, d’ignorance affichée, sur une longue période. A tous les niveaux de responsabilité. Industriels, médecins, administration.

Le professeur Got rapporte : « La moitié des ouvriers qui ont fait des flocages à La Défense, à Jussieu, sont morts ; lorsque je les ai rencontrés, ils m’ont dit : « On ne voyait jamais personne venir sur notre chantier voir ce qui se passait. On ne voyait jamais un médecin du travail, ni d’inspecteur du travail. On voyait un nuage qui était projeté par les machines qui nous servaient à floquer et, parfois, on ne voyait même pas celui qui travaillait à 3 ou 5 mètres de nous » .

L’industrie automobile a utilisé très tôt ce matériau dans les plaquettes de frein. La vitesse des voitures en était dépendante. C’est toute l’industrie automobile qui a connu l’omerta. On ne touche pas au dieu automobile au XX ième siècle, monsieur.


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Un personnage publique restera dans les mémoires : un ministre, sinistre, personnage bouffi d’orgueil, parla « d’une psychose collective ». Spécialiste scientifique « de haut niveau » dans son domaine, sa brutalité dans les rapports humains était notoirement connue. Très médiatique sur une longue période, il assena ses vérités, qui bien souvent se transformèrent en erreurs, tragiques dans le dossier amiante. Il se fit connaître par une phrase merveilleuse de mépris, « le dégraissage du mammouth ». Mais il fit ricaner sous cape aussi  tous les professeurs de physique. Car clairement, il n’avait pas bien compris les expériences de Riccioli, de la Tour d’ Asinelli, à Bologne, au XVII ième siècle, sur la chute des corps. Expériences que l’on attribue généralement à Galilée, à la Tour de Pise. Voici le lien de cet épisode piquant décrit par le Canard.http://www.lacosmo.com/dossierallegre.html

Ce personnage caractériel me rappelle un peu le médecin Broussais, qui dans les années 1820, avait réussi à imposer à toute la médecine française des pratiques fumeuses, dont il ne reste strictement rien. L’époque était bien entendue très différente, et se nourrissait bien plus de croyances que de connaissances. Grand paranoïaque, Broussais maniait une érudition impressionnante, mais bidon. Spécialiste de l’imprécation, et de l’intimidation, il fit consommer à la France 80 millions de sangsues en 1824. A tel point que les potards de l’époque se plaignèrent de ne plus rien vendre d’autre ! Son unique thérapie : diète et saignées. Bref, un gourou bon teint avant l’heure, adopté par l’immense majorité du monde médical de l’époque. Un médecin américain, fin clinicien, nota qu’on reconnaissait un patient français à ses cicatrices de morsures de sangsues !


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Notre ministre lui continua ensuite une carrière obscure de climato sceptique : individu sans scrupules, sans regrets sur le dossier très douloureux de l’amiante.