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Europe se plante en plein jour

Humeur

Après des années de tractations menées dans d’obscurs bureaux, presque cachés, l’Europe se plante, en adoptant un traité de commerce signé avec le Canada. En plein jour.


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Entre autres absurdités, ce traité autorise l’importation en Europe de 60 000 tonnes de viande bovine canadienne sans taxations. De nombreux éleveurs français de bovins – lait et viande- sont parmi les seuls au monde à défendre un système essentiellement herbager, assurant une production de qualité. Ces éleveurs connaissent de grandes difficultés depuis plusieurs années.

Les systèmes canadien et américain sont totalement différents, prisonniers d’une course au gigantisme, dont les conséquences pour la santé humaine ne sont pas minces. On dénombre 4 millions de « maladies alimentaires » par an au Canada, pays de 36 millions d’habitants. Ce n’est qu’un aspect du problème. Les aliments sont d’une tristesse à mourir, leurs caractères organoleptiques sont passés à la trappe, et l’art de la table a depuis longtemps abandonné ce pays.

Outre Atlantique, deux types de substances sont utilisées en élevage industriel :

-les stimulateurs de croissance  : les hormones et les bêta-agonistes.

-les substances ayant un double usage, thérapeutique, et de promotion de la croissance : les antibiotiques.

Les réglementations européenne et canadienne en la matière diffèrent totalement : les anabolisants et les antibiotiques utilisés comme facteurs de croissance sont interdits dans l’UE alors qu’ils sont autorisés au Canada.

Les négociateurs ont bien crié sous tous les toits que les règlements européens, garants d’un minimum de contrôles seraient totalement respectés. C’est presque vrai, mais c’est faux.

Car si effectivement le Canada dispose de quelques mois pour monter une filière bovine « sans hormones », le CETA n’a pas exigé du Canada qu’il interdise l’usage des facteurs de croissance contenant des antibiotiques. Les négociateurs se cachent derrière une demande « d’absence de résidus d’antibiotiques, dans la viande commercialisée », conforme à la législation Européenne, ce qui n’a aucun sens, quand on connait les mécanismes de diffusion de la résistance bactérienne dans ces filières.

C’est tout bonnement ahurissant !

L’UE a interdit l’utilisation des antibiotiques en tant que promoteurs de croissance dès 1996. Des politiques publiques de lutte contre le phénomène d’antibiorésistance en médecine vétérinaire ont été mises en place dans plusieurs États de l’UE, en particulier en France, où des résultats positifs ont déjà été constatés (baisse de 20 % de l’utilisation des antibiotiques en élevage en quatre ans). Le futur règlement-cadre sur les médicaments vétérinaires instaurera sans doute encore de nouvelles restrictions. Par exemple l’interdiction de l’usage préventif des antibiotiques, avec définition d’une liste d’antibiotiques critiques.

Les antibiotiques utilisés au Canada comme promoteurs de croissance sont incorporés dans l’alimentation de manière systématique. Ils permettent en particulier de raccourcir les délais d’engraissement des bovins. Ce mode d’utilisation accroît substantiellement le risque d’antibiorésistance qui constitue un enjeu majeur du XXIème siècle, et une priorité dans le cadre de l’approche globale

« One Health » « Une seule santé »                                                                                                                                                                                     

Les élevages canadiens sont immenses, les feedlots, avec des problèmes de contamination bactérienne qui sont à leur échelle.  La majorité des élevages font plus de 10 000 bovins. Ce type d’élevage est stricto sensu répugnant. Le bien être animal n’existe pas, puisque le bovin est obligé de passer sa vie à respirer ses propres excréments en les piétinant à longueur de temps. Alors qu’en Europe existe une volonté de limiter la taille des exploitations, celle ci risque d’être balayée par l’entrée de cette viande produite à bas coût, mais malsaine.

En médecine humaine, les problèmes d’antibiorésistance sont bien plus graves aux Etats-Unis et au Canada qu’en Europe. On se demande même si ces pays n’ont pas tout bonnement « baissé les bras » dans ce domaine, ayant laissé leurs hôpitaux être envahis progressivement par des germes hautement résistants. Ce qui n’est pas le cas en France, où des politiques complexes de contrôle ont été mises en place, et ont montré largement leur pertinence. Et il a été démontré depuis longtemps que l’usage des antibiotiques en élevage est un des facteurs importants de la résistance globale des germes aux antibiotiques. Ces élevages insensés fabriquent littéralement les germes ultra résistants, comme les E coli, dont certains types sont des pathogènes effroyables. Les bouchers canadiens sont bien sûr obligés de décontaminer leurs carcasses, en nébulisant de l’acide lactique ou de l’ acide peroxyacétique, dont on ne parle pas bien sûr, alors que les négociateurs fanfaronnent sur l’interdiction de l’importation de poulets chlorés. J’aimerais bien connaître l’efficacité réelle de ces décontaminations, mais je n’ai aucun appétit pour la viande assaisonnée à ces « décontaminants », dont  l’impact sur la santé humaine est à l’étude : nous sommes une fois de plus en pleine expérimentation. Je doute totalement de la « stérilisation » de cette viande, qui serait la seule solution efficace pour consommer sans risque ces bovins élevés dans ces authentiques cloaques que sont les élevages canadiens -ou américains-.

Le CETA nous fait donc régresser de 20 ans d’un coup.

Plus grave, il donne un coup de couteau dans le dos de nos éleveurs.

Plus grave encore, il massacre « l’âme européenne ».

Race nantaise
Race nantaise

Pour notre humanité, quel est l’intérêt de faire traverser l’Atlantique à cette viande froide, à grand coût de frigories, de carburant, donc de pétrole ?