Rouges jardinspar Guy Grandjean
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L’île sans peur, ou si peu.

Nature


Plume de pie  Guy Grandjean

L’île noire, celle de tintin, a été une de mes premières îles explorées. Je me souviens de la phrase « encore un qu’on ne reverra plus », adressée à un homme qui partait vers cette île inquiétante, bougonnée par un vieux marin, qui excitait mon imagination ; « un qu’on »ou« un con » ? A cette époque où les niveaux de langue étaient respectés à la lettre, le con était un mot interdit aussi bien en famille qu’à l’école. Mais que se tramait-il donc sur cette île d’abord si hostile ?

Devenu biologiste, les îles m’ont constamment fasciné, tout comme Darwin et ses Galapagos. Chacune est unique, chaque insulaire différent, l’insularité une nouvelle expérience de vie.

Une extraordinaire découverte vient d’être établie dans une île lointaine, si lointaine même qu’on l’a baptisée inaccessible.

L’île inaccessible ! Un caillou, 15 km2, perdu en plein océan atlantique, plutôt au Sud. En fait un volcan, dont les bordures sont des falaises inabordables, ou presque.

Pas très loin de l’île Tristan de Cuhna, où vit la communauté humaine la plus recluse de la planète. Depuis plusieurs siècles y vivent quelques centaines de personnes. Totalement isolées pendant dix ans au moment de la première guerre mondiale : du coup elle a échappé au virus la grippe espagnole dans les années 1918. Curieusement la consanguinité n’a pas gêné grand monde. Vers 1960, ses habitants ont été rapatriés en Angleterre, à la suite d’une violente éruption volcanique. Puis réinstallés, à leur demande insistante.

Sur l’île inaccessible, pas d’hommes, mais des oiseaux, une multitude d’oiseaux. Leur présence s’épanouit de l’absence de prédateurs terrestres, de mammifères. Et là, surprise, un petit oiseau, furtif, vit à ras de terre. Et les biologistes viennent de montrer, par des analyses ADN, qu’il volait il y a un million d’années. Qu’il a donc perdu l’usage de ses ailes, à tel point d’ailleurs que ses plumes se sont guère plus que des  poils !

Des oiseaux pourvus d’ailes qui ne volent pas, mais ce n’est pas une découverte !

Pensez au blanc de poulet : sa chair est d’autant plus blanche que le muscle est inactif, que le poulet reste cloué au sol. C’est la myoglobine, qui apporte l’oxygène au muscle, qui lui donne sa couleur foncée. Moins d’effort, moins besoin d’oxygène. La chair de la cuisse du poulet qui gratte sera d’autant moins blanche qu’il court plus.


Nos poules ne sont que des reptiles emplumés, regardez  leurs pattes recouvertes d’écaille façon lézard.

Nos poules ne sont que des reptiles emplumés, regardez leurs pattes recouvertes d’écaille façon lézard.

Et le blanc de la gauloise dorée, une espèce de poule très ancienne, qui sait encore voler, est brun comme la viande de gibier !


Gauloise dorée

Gauloise dorée

C’est clairement la domestication qui a favorisé sa vie au ras du sol, c’est à dire la sélection opérée par les éleveurs. Notez que c’est le coq de la gauloise dorée qui fait cocorico quand nos équipes sportives gagnent, une preuve de plus du génie de la langue…

Un autre oiseau, riche en plumes pourtant, ne sait que marcher, voire courir, l’autruche, mais elle peut faire valdinguer une lionne affamée en la tuant nette d’un bon coup de pilon.

Pensez au kiwi néo zélandais qui ne craint pas de renard sur son île.

On ne sait pas si c’est la peur qui a donné des ailes aux dinosaures. Mais on sait aujourd’hui que le vol est dédaigné quand la peur disparaît. Du moins celle du prédateur ; celle de l’autre Râle mâle, lors des rapprochements sexuels est sans doute toujours présente !

La biologie rejoint donc un autre univers BD, Astérix, et ses Normands qui s’élançaient du haut des falaises pour essayer d’éprouver la peur, sentiment inconnu d’eux, et pour voir à l’occasion « si la peur donnait bien des ailes  » !