Rouges jardinspar Guy Grandjean
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L’os de la tentation

Humeur

Dans ma jeunesse, quand quelque chose ne tournait pas rond, foirait, l’expression : « ya un os dans l’potage » nous venait facilement à la bouche.

Adolescent, plus vulgaire, « ya une c. dans l’beurre », s’invitait à nos tables.

Un grain de sable dans la mécanique. Une ombre au tableau. Un cheveu sur la soupe. Expressions entendues dans les familles plus comme il faut. Les anglais disent : une mouche dans la pommade.

“ A fly in the ointment”. J’aime bien.


Bousier à corne

Bousier à corne

En 2019, en m’installant sur Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel , pour observer la fourmilière humaine, je ne peux que constater : “ya une mouche dans la pommade” , “ ya un os dans le potage” !

Et cet os, c’est l’os de la tentation !

Quelle tentation ? Quelles tentations ?

C’est bien simple, tant d’objets tentants !

Les smartphones, par exemple ; mais à quoi donc peut bien servir le dernier modèle i Phone ? Tous les ans depuis 2007, chaque année voit naître un “nouvel” appareil. Une révolution annoncée à chaque fois, douze donc depuis cette date, excusez du peu. Chaque année un peu plus cher.

Monsieur s’la pète, avec son quatuor cornu.
Monsieur s’la pète, avec son quatuor cornu.

Or à quoi sert le “nouvel i phone” ?

En pratique, à rien.

Ou plutôt, à presque rien.

Il sert en fait à épater, ceux ou celles qui sont épatables, c’est sa seule fonction . Une fonction biologique puissante, car « épater », en mettre plein la vue, est un comportement très ancien, enraciné dans notre subconscient animal. Au cours du rapprochement sexuel, le mâle « épate », comme la femelle « séduit ». Pour l’établissement des hiérarchies, les combats entre mâles peuvent aussi se résoudre à des « joutes symboliques ». Danses, habits, chants, cérémonies, discours, la variété en est infinie. Du plus simple au plus sophistiqué. Paraître avant d’être. Paraître ou être. Paraître et être.

 

 

 

Dans une île britannique montagneuse plantée en Atlantique près de l’Ecosse, Saint-Kilda, pendant de nombreux siècles, la source de nourriture basique, indispensable, était l’oiseau ou l’œuf, recherchés sur des falaises fort abruptes . Ces dénicheurs d’oeufs, ces pêcheurs d’oiseaux au filet, pendouillaient au bout de méchantes cordes, au dessus d’un fracas de vents et de vagues. Ces iliens ne pouvaient se nourrir de poissons, la mer étant trop mauvaise, quasi constamment, pour oser s’y aventurer.

L ‘homme qui cherchait compagne devait passer une épreuve initiatique originale : du haut d’une falaise, se maintenir sur « the Mistress Stone », à l’équilibre sur une jambe, avec sous ses pieds, un vide vertigineux, infernal en bas. Cette épreuve avait clairement une fonction de survie, au sens « animal », celui qui s’y refusait restait célibataire ! Darwin aurait été content de citer ce comportement dans ses théories du “Struggle for life” ! La sélection naturelle !

Epreuve : se tenir sur un pied sur ce rocher avec une mer souvent mauvaise quelques dizaines de mètres plus bas. Photo exceptionnelle.

La fonction de survie de l ‘i phone dernier cri est fort mince, sans doute nul, mais le posséder est hautement ostentatoire : c’est l’os de la tentation.

Seulement voilà, « Ya un os dans le potage », et un gros, plus qu’une mouche dans la pommade, car peut-être un milliard d’humains rêvent de l’i phone dernier cri, comme ils rêvent de posséder une voiture luxueuse, inutile, comme ils aimeraient vivre dans un habitat spacieux, devenu inopportun, passer ses vacances sur des îles paradisiaques, etc.

Le paon est incontestablement un chef d oeuvre de beauté ostentatoire. Le coq gaulois à côté peut aller se rhabiller, avec son plumage pourtant somptueux, ses crêtes qui en jettent, et son cri puissant.
Le paon est incontestablement un chef d oeuvre de beauté ostentatoire. Le coq gaulois à côté peut aller se rhabiller, avec son plumage pourtant somptueux, ses crêtes qui en jettent, et son cri puissant.
Simagrée vient de simius, singe

 

Les simagrées ostentatoires des êtres humains n’ont plus aucun intérêt de survie ; à l’inverse, elles sont devenues dévastatrices.