Rouges jardinspar Guy Grandjean
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Un méli mélo d’os d’Homo

Mystique

En 2003, trois évènements peu ordinaires se sont percutés : une année caniculaire, qui nous a fait entrer en plein XXI ème siècle et ses avatars. La France de 2003 voit sa production agricole baisser d’un quart. Cette année là, le Hobbit à la voix étrange débarque sur nos écrans. Succès mondial assuré. Et surtout, les restes d’un nouvel homme préhistorique sont découverts en Indonésie, sur l’île de Florès. Un Hobbit vrai ! En os, et en os, et des pierres. Un crâne complet, des morceaux de neuf individus. Pas plus d’un mètre de haut, sans les sandales.

Toutes nos représentations pré historiques sont mises à mal.

L’homme de Florès est un homme qui marche, descendant d’un ancêtre lointain, Homo erectus, et donc pas passé par la case Homo sapiens ! C’est un homme qui fabrique des outils, avec pourtant un quasi cerveau de Ouistiti !

C’est une formidable découverte, car elle montre que nos ancêtres, et leurs cousins s’imprégnaient de leur biotope, leur environnement, au point de leur faire subir « un nanisme insulaire », bien connu des biologistes. Faites débarquer une troupe d’éléphants sur une île : en très peu de générations, vous pourrez faire du cheval sur un éléphant poney : c’est ce qui s’est passé en Sicile, juste avant l’arrivée des Romains.

La ressource alimentaire, en quantité comme en qualité, nous façonne en quelque sorte, tout au long des générations. Les enfants nés de femmes ayant connu des privations sont de moins grande taille, cette observation est classique, et universelle.

En 2019, nous venons de découvrir un nouvel homme, encore différent, qui est resté vivre sur l‘île de Luçon, des Philippines, pendant 700 000 ans. L’homme de Callao, du nom d’une vaste grotte, habitée pendant des lustres. Une île bien plus grande que Florès, 100 000 km 2, où vit une des plus importantes agglomérations du monde, celle de Manille, capitale des Philippines. Cet homme de Callao déconcerte encore une fois les archéologues par ses drôles d’os, ses dents encore différentes de celles de l ‘homme de Florès.

Un autre biotope, un autre homme !

Un autre environnement, un autre homme !


Art Brut musée de Villeneuve d’Ascq

Art Brut musée de Villeneuve d’Ascq

Mais si l’importance de la ressource alimentaire est clairement mise en évidence dans ce nanisme insulaire, ces hommes en os sont muets sur leur mode de vie, leurs relations.

La découverte des Bonobos en pleine jungle congolaise vient nous aider sur ce point, même si quelques millions d’années d’évolution nous en séparent. Tout le monde la connaît maintenant, cette espèce de chimpanzé tellement porté sur le sexe qu’il peut présenter des érections à la simple vue de nourriture appétissante ! Mais le surprenant n’est pas là : en fait c’est l’absence d’agressivité dans les rapports sociaux qui étonne. La présence de cicatrices de morsures atteste qu’elle peut se manifester, mais visiblement rarement. Les spécialistes insistent sur la domination femelle, le plus souvent sans agression, sur les mâles bonobos. Cas rare dans le monde animal, qui rejoint ce club fermé des Hyènes, et des Lémuriens.

Mais où est donc passée « la loi du plus fort » qui est une grande loi de la prédation, avant d’être devenue une « loi humaine » universelle ?

Les petits hommes de ces îles lointaines et les Bonobos nous apportent la solution, fort simple. Car si les hommes de Florès et de Callao sont restés discrets, à l’écart des grandes civilisations, Homo sapiens, lui, n’a rien d’un insulaire.

C’est l’homme des continents, des grands espaces convoités, c’est un Homo resté territorial après une longue période de nomadisme. Il est devenu un redoutable guerrier en quelques milliers d’années, puis un militaire. Son agressivité est devenue atavique, la défense du territoire une nécessité ancestrale. Il a évolué avec ses armes. Le mâle s’impose, par ses qualités physiques, sans être gêné par de multiples grossesses qui alourdissent.

Homo sapiens amateur de céréales
Homo sapiens amateur de céréales

Seule l’abondance de la ressource, en l’occurrence la richesse de la forêt permet au Bonobo d’adopter d’autres comportements. Nomadisme possible, faible taux de natalité, un petit tous les cinq, concurrence entre tribus faible, les sources alimentaires étant nombreuses et variées. Le chimpanzé classique, lui, vit un biotope différent, plus convoité. La hiérarchie mâle s’installe. Quant aux babouins, qui ont investi la dangereuse savane, ils ne peuvent y vivre qu’à travers une socialité strictement hiérarchisée dominée par les mâles bien plus féroces.

Ces observations rejoignent d’ailleurs ce qu’on constate dans l’évolution de nos sociétés dites évoluées. Les régimes de pénurie qui se sont succédés jusqu’au XIX ème siècle n’ont jamais connu de paix durable. Au XX ème siècle, malgré l’abondance pour tous, ou presque, la guerre a continué, comme par habitude : Homo sapiens attendra la fin de la deuxième guerre mondiale pour essayer de calmer cette agressivité, devenue handicap, maladie congénitale. Il veut l’union enfin, plus que la bagarre, il créé l’Europe, certain que l’abondance la rend possible. Et c’est depuis peu que les relations humaines « se bonoboïsent »insensiblement, la loi du plus fort n’étant plus fonctionnelle, à l’exception importante des activités de défenses intérieure et extérieure : la recherche de consensus fait son chemin, doucement, les carrières de tyranneaux moins omnifréquentes, les relations « se féminisent ».

Pensée domestiquée.
Pensée domestiquée.

POST SRIPTUM

L’île de Luçon nous réserve bien d’autres surprises. Un peu comme Madagascar, en dehors des villes tentaculaires, c’est un espace d’une biodiversité incroyable, riche d’espèces animales et végétales inconnues ailleurs, menacée comme partout.

Jardin de mammy - Version 4.jpg Guy Grandjean

Et puis elle héberge le volcan Pinatubo, qui a donné des sueurs froides aux vulcanologues il y a peu.

Son réveil en 1991 a provoqué un refroidissement généralisé de 0,5 °C pendant deux ans. Les Philippins avaient bien organisé l’évacuation, contrairement à ce qui s’était passé en Indonésie, pas loin de Florès (!), où le volcan Tambora en 1815 tua 100 000 personnes. Il modifia le climat terrestre pendant quelques années, comme jamais en 12 000 ans.

Cette région explosive, peu connue des Européens, nous donne donc à réfléchir !

En 1815, les colossales quantités d ‘aérosols projetés dans la stratosphère provoquent des baisses de températures de 5 °C par endroits, en particulier en Inde et en Chine. Dans le Yunnan, les chinois découvrent la culture du pavot, qui seule leur permet de ne pas plonger dans la misère. En 1816, l’année sans été, la famine est généralisée, même les Suisses connaissent l’exode, comme les Américains “La ruée vers l’Ouest”.

Cette année là, un voile de poussières acides sur le Golf du Bengale empêche la mousson annuelle. Les récoltes de riz sont nulles, et surtout la bactérie responsable du choléra change, mute à la suite de ce violent changement écologique accompagné d’une baisse collective de l’immunité humaine, due à la famine. La bactérie devient génétiquement plus féroce. C’est la naissance de la première pandémie mondiale, alors que le choléra restait jusqu‘alors cantonné dans la région du Gange depuis fort longtemps. Le bateau et le train qui s’installent alors un peu partout aident le vibrion, c’est le nom de l’agent du choléra, dans ses envies de conquêtes.

C’est un médecin anglais John Snow qui montre aux européens le lien entre le choléra et la consommation d’eau polluée, dans les années 1850.
C’est un médecin anglais John Snow qui montre aux européens le lien entre le choléra et la consommation d’eau polluée, dans les années 1850.

C ‘est lui qui provoquera la renaissance de l’envie de propreté dans les villes européennes, oubliée depuis les romains. Au XVIII ème siècle, les villes européennes sont des cloaques, puants en été. Le choléra y sème la désolation, et laissera plus tard une expression « la peur bleue », le délabrement coloré des malades étant extrêmement rapide. Le ramassage des poubelles, la construction d’égouts sont portés par les hygiénistes, les bactériologistes, les médecins, qui bataillent pied à pied pour imposer une propreté qui nous paraît si évidente !

Fleur d’ordinateur Papaver rhoeas ordinati
Fleur d’ordinateur Papaver rhoeas ordinati

L ‘homme de Callao, comme l’homme de Florès, se pensait lui, île, insula, original, seul homme vrai, endogame, isolé, en fait. Tout comme le Brexiter.

Homo sapiens, homme des grands espaces, mais aveugle au désastre.

Homo liberamor, imprégné de l’univers, de ses lois