Rouges jardinspar Guy Grandjean
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La malédiction des Balkans

Médecine

 

 

Nature brute

L’aristoloche et la malédiction des Balkans

 Les aristoloches communes dans notre pays sont des plantes à petites fleurs jaunes en forme de cornet, remarquables par leur odeur très désagréable, nauséeuse. C’est une plante fort ancienne, qui a depuis longtemps établi un marché avec deux sortes d’insectes, un très joli papillon, la diane, et des petits moucherons.

 

 

Aristoloche.Odeur désagréable.

Les moucherons sont pour elles des coursiers de première importance; attirés par les miasmes floraux, ils pénètrent dans la corolle tubulaire et s’y retrouvent prisonniers. Barbouillés de grains de pollen, ils sont en fait coincés par des poils faisant office de barreaux. Quelques jours plus tard, la fleur libère en se fanant ses petits prisonniers ; “on dirait” un authentique accouchement !, c’est ce que pensaient nos anciens ; ils l’ont baptisé ainsi aristo, excellent, loche, accouchement.-qui a donné lochies-, ce que la femme rejette après la parturition.

 Cette plante était donc « logiquement » censée favoriser l’accouchement, et donc utilisée comme telle. A l’époque, les moucherons donc naissaient de ces aristoloches, c’était un cas « bien documenté  » de génération spontanée !

Ce n’est pas une Diane

La diane, elle, y colle ses oeufs au revers des feuilles. Quand les oeufs se font chenilles, la plante bientôt dénudée par les gloutonnes apportera la preuve qu’elle ne dégoûte pas tout le monde.

Cette plante est dangereuse en fait, elle est riche de redoutables toxines, dont l’acide aristolochique. En 1991, des femmes ont payé cash leur crédulité : en consommant des herbes chinoises dites amaigrissantes, elles ont développé une insuffisance rénale chronique. Malheureusement, Stephania tetranda avait été remplacée par la maudite Aristolochia fangii, hautement néphrotoxique par sa richesse en acide aristolochique.

L’aristoloche élégante
L’aristoloche élégante

Mais c’est dans les Balkans qu’elles ont effectué des ravages, pendant des dizaines de siècles. Elles sont à l’origine de la néphropathie des Balkans. Leurs graines contaminaient les céréales locales, qui n’étaient pas bien débarrassées des graines des plantes adventices, ce qu’on appelle « les mauvaises herbes ».

Après la moisson, les « bonnes graines » doivent être systématiquement débarrassées « des mauvaises » (usage de tamis, de tarares, de vanneuses etc. )

 Cette donnée, simple en apparence, est le résultat d’une enquête fort longue. C’est Grollman et coll. qui ont analysé l’ADN des cellules du cortex rénal des patients souffrant de cette néphropathie endémique, qui s’est jouée de tous les épidémiologistes de la planète pendant plus de cinquante ans. Les altérations de l’ADN étaient les mêmes que celles de malades intoxiqués à l’acide aristolochique.

 Voilà ce qui pouvait arriver quand on ne distinguait pas « le bon grain de l’ivraie » !

Elégance fanée
Elégance fanée

 PS En 2012, puis en 2019 ont eu lieu des intoxications par de la farine de sarrasin. Les graines de sarrrasin mal (?) tamisées contenaient des graines de Datura.